Budget primitif 2024 : la règle “anti-ghetto” de la droite a empêché en Île-de-France la construction d’un logement social sur cinq, sous prétexte de « mixité sociale » !

Intervention de Joaquim Timoteo sur le budget primitif 2024, lors de la séance plénière du Conseil départemental des Hauts-de-Seine du 5 avril 2024.

L’introduction de présentation qui est faite dans le rapport rappelle le contexte particulier qui entoure la question budgétaire des collectivités territoriales et en l’espèce celle de notre Département (avec l’impact de la situation économique sur les produits de fiscalité notamment). 

Il y est précisé que le budget vise un maintien des services pour les Altoséquanais (notamment pour les plus vulnérables) et à rendre le territoire plus durable. C’est donc avec cette grille de lecture que j’ai regardé votre budget pour 2024.  

Un budget au service des altoséquanais ?

Ce budget assure-t-il le maintien des services pour ses habitants ? est-il un budget qui tend vers la durabilité du territoire ? Bonnes questions ! 

Les mots ont ici du sens notamment sur la 1ere question posée. Ils résument bien ce budget car à vous lire et vous entendre, il ne s’agirait pas (et on le regrette) de renforcer, d’étendre, d’adapter pour mieux faire voire faire peut-être plus mais il s’agit simplement de maintenir les services offerts. D’ailleurs on se demande si des fois on ne fait pas moins au final. On voit tout de suite que l’horizon vers lequel on se projette, est limité…  

Certes, la situation est un peu dégradée avec une légère baisse des recettes réelles de fonctionnement (environ 72 M€ sur un total de près de 1,6 Md€). Les droits de mutation sont plus réduits qu’à l’accoutumée. La DGF est réduite aussi mais stable. Mais de là à vouloir juste proposer le statu quo, cela manque un peu d’ambition. 

Des augmentations en trompe-l’œil

La remarque faite tout à l’heure sur le compte administratif reste valable ici car les augmentations de budget que l’on peut repérer dans les actions sociales ne sont pas le fruit (pour la plupart) de plus de bénéficiaires ou la conséquence de nouvelles mesures mais seulement en grande partie la résultante de la prise en compte de revalorisation des allocations individuelles (celle le cas dans de l’APA pour les personnes âgées, de la PCH pour les personnes handicapées ou encore de la revalorisation du RSA pour les demandeurs d’emploi). 

Enfin on peut toujours inscrire des ouvertures de crédit à la hausse ou à la baisse sur telle ou telle ligne mais on voit bien que l’exécution peut être plus aléatoire et nuancée. Prenons par exemple le cas de la Protection Maternelle et Infantile (PMI) : ce serait 2,7 M€ qui iraient à leur financement soit plus qu’au BP2023 qui inscrivait alors 2,3 M€ pour ce secteur. On oublie que sur ces 2,3 M€ inscrits l’an passé en réalité, seuls 1,6 M€ ont été vraiment dépensés. On peut s’interroger donc sur l’effectivité de ce niveau de soutien pour 2024. 

Il en est de même sur la protection de l’enfance et l’hébergement des jeunes de moins de 21 ans. Presque 188M€ sont inscrits pour 2024 soit 2 M€ supplémentaires, intégrant au passage une augmentation des sommes consacrées aux résidences hôtelières pour 11,7 M€ contre 9,4 M€ programmés au BP 2023. Vous vous étiez pourtant engagé à diminuer ce poste. Pour mémoire, c’est plus du double qui a été dépensés en 2023, avec presque 27M€.

Pour les « personnes âgées » qui constituent un public important des politiques départementales, l’augmentation du budget ciblé sur le maintien à domicile est très largement le fait de la prise en compte de l’APA ce qui en tant que tel, ne constitue pas une politique départementale mais seulement le versement d’une prestation. 

Se donner les moyens d’une véritable politique en faveur de la jeunesse

Si l’on regarde maintenant du côté du parcours « Jeunes », nous avons également des interrogations sérieuses. Alors que vous émettez l’ambition de développer une politique à destination de la jeunesse (un sujet que je connais un peu), les budgets consacrés à la prévention et à la sensibilisation des jeunes tout comme à leur insertion restent désespérément stables. C’est comme si les événements liés à la mort du jeune Nahel l’été dernier et l’embrasement des quartiers qui a suivi, n’avaient jamais eu lieu et qu’aucune alerte ne nous était arrivée sur la nécessité de la prise en compte de la jeunesse dans toute sa diversité. Si vous avez choisi de porter une politique à destination des 11-25 ans, il faut s’en donner les moyens.

Une politique de jeunesse ne se résume pas à du sport et des loisirs, ou à des actions de soutien scolaire quand bien même tout cela soit bien utile. Cela passe aussi par des politiques permettant l’accès à l’autonomie de chaque jeune adolescent ou jeune adulte et donc par des actions en faveur de l’emploi, de l’accès au logement, ou encore de l’engagement citoyen. Il est question dans le rapport d’une stratégie jeunesse ambitieuse. Je n’y vois à ce stade personnellement que quelques dispositifs majoritairement destinés aux adolescentes et aux adolescents. C’est quand même un peu juste… 

Financer l’accompagnement des bénéficiaires du RSA

Toujours sur dans le champ de l’action sociale, il demeure selon nous un secteur dont le financement reste sous-évalué, c’est celui de l’insertion au travers de l’accompagnement des bénéficiaires du RSA. Vous faites l’hypothèse que le nombre de foyers bénéficiaires ne devrait pas augmenter malgré le contexte difficile. Cependant sauf à considérer que le non recours devrait s’amplifier, nous pensons au contraire que l’effet combiné du durcissement de l’accès à l’assurance-chômage et des départs en retraite plus tardifs devrait en faire gonfler les effectifs.

Comme nous l’évoquions lors du débat d’orientations budgétaires, l’obligation à venir pour les bénéficiaires du RSA de consacrer 15h par semaine à des activités d’emploi ou de formation, devrait se traduire par des financements supplémentaires dédiés au suivi personnalisé de tous les bénéficiaires et pas uniquement de ceux qui sont les plus employables. Or cette contrainte ne se traduit pas aucune nouvelle inscription budgétaire. L’accompagnement par le Département de ces bénéficiaires, que nous jugions déjà insuffisant, n’est pas à la hauteur des enjeux. 

Prendre la mesure de l’augmentation de la pauvreté

Enfin, abordons la situation des plus précaires. Force est de constater que la pauvreté s’intensifie dans notre pays tout comme dans notre département. Une pauvreté qui concerne aussi de nombreuses personnes en emploi. En parallèle, les désordres climatiques se font de plus en plus intenses et fréquents. Là encore ce sont les plus modestes qui paient le plus lourd tribut.

Votre budget n’apporte aucune réponse sur ce sujet, ni sur celui de la crise du logement qui touche aussi de plein fouet les ménages à faibles ressources et les plus précaires, avec des situations catastrophiques : des enfants à la rue de plus en plus nombreux et de moins en moins de solution d’hébergement. 

Sur la question de l’hébergement, il y a aussi urgence à corriger les déséquilibres territoriaux et l’inégale répartition de l’hébergement d’urgence sur le territoire régional. C’est ce que propose le Schéma régional de l’habitat et de l’hébergement, que vous avez pourtant rejeté. Actuellement, près des 2/3 de l’offre d’hébergement (65 %) au sein de la Métropole du Grand Paris se concentre à Paris et en Seine-Saint-Denis. Je rappelle que dans notre Département le nombre de places d’hébergement généraliste (CHU, CHRS hors hôtel) est de 2,2 places pour 1000 habitants alors qu’il dépasse les 3 places/1000 hab (3.3/°° en SSD , 3,8/°° en VDM),  les 7,6/°° à Paris. 

L’ensemble des territoires franciliens doit donc participer activement à la construction d’infrastructures d’hébergement tout comme de logements sociaux.

Le soutien à la création de logements sociaux

Le Département des Hauts-de-Seine doit y prendre une part active. L’unique million d’euros inscrit pour le soutien au développement d’une offre de logement abordable, frôle le ridicule au regard de la situation du logement dans notre département. 

La création de logements sociaux n’a jamais été aussi indispensable alors que le parc francilien de logement social est sous pression avec une moyenne de plus de 10 demandes pour 1 attribution. Le Schéma Régional de l’Habitat propose de maintenir les objectifs de production de logements sociaux, de l’ordre de 31 500 à 38 500 chaque année en Ile-de-France, avec une contribution des Hauts-de-Seine à hauteur de 6300 à 7700 logements sociaux par an. Il faut le faire ! 

Il faut soutenir cette construction de logements sociaux partout sur le territoire altoséquanais et pas seulement dans les villes aujourd’hui carencées c’est-à-dire en dessous du seuil des 25% de la loi SRU.  

Et il faut abandonner cette règle restrictive (dispositif « anti-ghetto »)  que vous avez reprise à votre amie Valérie Pécresse. Cette règle, dans la période précédente, a empêché l’échelle de la région Ile-de-France la construction d’un logement social sur cinq, tout cela sous prétexte de « mixité sociale ». Ces mesures de restriction du soutien au financement appliquée par notre Département ne sont pas de nature à lutter contre la concentration des poches de pauvreté, comme vous le défendez en général, mais elles participent au contraire à leur manière à l’entretien d’une forme de séparatisme social sur nos territoires. 

Le pacte des solidarités

Au final, ce budget se borne effectivement à maintenir les services offerts. Il n’intègre pas de priorités fortes sur la question de la lutte contre les exclusions. Nous nous attendions d’ailleurs à y trouver même de façon embryonnaire une déclinaison locale du Pacte des solidarités qui doit lier normalement l’Etat et les collectivités locales dont le Département ,  dans une dynamique commune de prévention et de lutte contre la pauvreté.  

C’est notamment au travers des Pactes locaux des Solidarités que des actions de lutte contre le décrochage scolaire au collège pourraient être soutenues, notamment en renforçant la prévention spécialisée de rue permettant de toucher les plus fragiles. C’est aussi dans ce cadre qu’une politique de jeunesse soucieuse de l’insertion des jeunes en rupture pourrait trouver un relai. Ou encore qu’une politique de mobilité solidaire pour l’accompagnement des publics modestes en insertion socio-professionnelle pourrait se déployer. 

Mais peut-être aurons nous en cours d’année à évoquer tout cela. 

Retrouvez le compte rendu complet de la séance plénière du 5 avril 2024 ICI.

La séance est à visionner en replay ICI.

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