Rapport d’observations définitives CRC IDF – Gestion du département des Hauts-de-Seine – Exercice 2014 et suivants
Intervention de Joaquim TIMOTEO en séance publique du Conseil Départemental du 8 avril 2022
Rapport complet de la Chambre Régionale des Comptes ici.
Ce 1er rapport qui est porté au débat ce matin est intéressant à plusieurs titres car
D’une part en portant un regard rétrospectif sur la mandature précédente il nous permet également de mettre en perspective les autres rapports en lien avec la gestion de la collectivité (compte administratif 2021 et budget primitif 2022) que nous aborderons par la suite. Cette mise en perspective ne peut se détacher du contexte dans lequel se situe notre collectivité à savoir (comme le rappelle la Chambre régionale des comptes) « une situation favorable grâce à un territoire socialement aisé et économiquement dynamique » (page 9)
D’autre part, le rapport de contrôle revient, dans des argumentations et des termes quelquefois relativement proches de ceux que les groupes d’opposition ont eu par le passé ici, sur plusieurs dossiers emblématiques et sur les choix opérés par votre majorité et leur efficience.
Cette question de l’efficience, nous l’avons d’ailleurs récemment réabordé (comme la Chambre) au sujet de l’Etablissement Public Interdépartemental Yvelines -Hauts-de-Seine avec les mêmes interrogations sur les limites du rapprochement des 2 Départements et le peu d’avantages retirés par le nôtre dans cette affaire (« rapprochement limité et peu avantageux » page 15).
Comme le recommande la Chambre régionale des comptes, l’évaluation des coûts et gains consolidés de ce rapprochement est évidemment essentielle à faire, nous l’avions dernièrement déjà demandé lors d’un conseil d’administration de l’EPI avec une véritable interrogation du maintien d’une telle structure à un moment où la quasi-totalité du budget (au demeurant très faible) n’est essentiellement dédié qu’à la gestion de voirie.
Gageons qu’avec ce rapport, on aura peut-être la chance d’obtenir enfin quelques éléments d’évaluation concrets et chiffrés du rapprochement dans lequel se sont engagés les 2 départements et de la pertinence de poursuivre ou pas sur cette voie
On note aussi les réserves d’opportunité faites par la Chambre sur d’autres dispositifs de mutualisation mis en œuvre au cours de la précédente mandature tel que le Syndicat mixte commun « Yvelines Hauts-de-Seine numérique » pour lequel l’intérêt de notre Département peut être effectivement questionné. Toutes proportions gardées, par ailleurs, on sait quelle issue a été celle de l’aventure hasardeuse sur le numérique avec le réseau de fibre haut débit THD Seine dont il est également question dans le rapport… et même si l’histoire n’est pas un éternel recommencement il faut regarder de près ces questions.
Toutes ces formes de mutualisation (ou une très grande partie d’entre elles) ont été conçues comme des outils défensifs par rapport à la nouvelle répartition des compétences des collectivités inscrites dans la loi Notre, privant les Départements et les Régions de la clause générale de compétences.
Le rapport pointe également un certain nombre d’irrégularités constatées qu’on ne peut laisser de côté notamment au travers d’aides relevant du domaine de l’action économique ou requalifiées par la Cour en ce sens pour ce qui concerne les aides en lien avec l’attractivité des territoires.
De ce point de vue, la Chambre a, me semble-t-il, un point de vue un peu réducteur de l’appréciation de l’attractivité d’un territoire, le restreignant trop fortement à sa seule dimension économique (et donc en lien avec l’activité économique et l’emploi). Or la question du cadre de vie et de son amélioration participe pleinement de l’attractivité d’un territoire par l’amélioration du bien-être de ses habitants sans que pour autant il ait une quelconque dimension économique qui prime.
Toujours sur les aides, quelques autres difficultés à noter : celles de la participation du Département à divers fonds d’aides régionaux notamment le fonds régional Résilience Ile-de-France qui visiblement n’était pas possible même s’il semble que l’ensemble des départements franciliens y aient contribué. Nous avons voté cet abondement au Fonds Résilience créé en réponse à l’impact de la crise sanitaire et venant en soutien principalement aux structures de l’économie sociale et solidaire en difficulté. Nous ne remettons pas ici en cause le principe mais il faudrait vraiment que l’on sécurise juridiquement un peu mieux cette pratique.
Enfin pour continuer sur les aides, nous notons que la Chambre régionale des comptes formule la même remarque que celle que nous avions déjà faite ici sur les contrats de développement département-ville (CDDV). Remarque qui ne remet pas en cause le subventionnement en tant que tel, même si quelquefois il semble être hors champ de compétences, mais interroge sur l’importance des disparités des subventions versées aux communes notamment quand on les rapporte au nombre d’habitants : de 31€/hab (Nanterre) à 130€/hab (Bourg la Reine). Certes les aides à l’investissement inscrites dans ces contrats sont liées aux projets communaux existants mais il y a une équation différente dans chacune de ces villes, des populations au profil différent, des environnement différents, des capacités à investir également différentes pour chacune des villes de notre département. Ces configurations différentes mériteraient sans doute d’être mieux prises en compte dans les contrats.
Pour poursuivre, je ne reviendrai pas sur les dossiers qui portent sur la Seine musicale et le réseau de fibre haut débit THD Seine, car nous avons déjà abordé ces sujets lors d’autres séances.
En revanche, il me semble que le point mis en exergue dans le rapport sur la stratégie immobilière du département est tout à fait primordial et qu’il serait utile pour tous les élus qu’elle soit clarifiée. La Chambre le pointe et c’est une réalité, nous ne sommes quasiment pas informés de l’évolution du schéma immobilier que vous souhaitez déployer.
Le schéma immobilier il y a 9 ans qui prévoyait l’achat de l’ARENA, la réhabilitation de l’ancien hôtel du département et la libération des 5 bâtiments ( Reflets, Extension, Salvador, Quartz, MDPH) est visiblement caduque puisque le choix de la vente de l’ancien Hôtel du Département est maintenant acté (même si la tentative de vente a capoté du fait de la crise sanitaire) et les services du département qui avaient vocation à rejoindre cet immeuble, vont maintenant être regroupés sur le site de Pôle Vinci à la Défense. A quel horizon, on ne sait pas trop… On note cependant que les économies permises par le déménagement à l’Arena et le départ de l’immeuble Reflets restent grignotées par les coûts de portage de l’ancien hôtel du département (1,3M€/an).
Alors que les coûts des travaux à envisager sur le site du Pôle Leonard de Vinci sont estimés à 350M€ (soit environ 3 fois le prix de vente de l’ancien hôtel du département), on peut légitimement s’interroger sur la pertinence de ce scenario. Etant donné l’évolution que ne manquera pas d’avoir l’immobilier d’entreprise notamment sur la Défense dans les prochains mois et années avec des modes de travail différents et à distance et des besoins de surfaces moins importantes pour les entreprises, il faut engager des recherches pour identifier des sites alternatifs possiblement moins onéreux afin d’installer dans de meilleures conditions et à un coût moindre les agents des sites devant être regroupés.
Enfin, je ne peux terminer cette intervention sans évoquer un ultime point et non des moindres portant sur la méthode de gestion qui nous renvoie à de nombreuses discussions que nous avons déjà eu dans cette assemblée qui conduit, comme le rappelle la Chambre (je cite) à avoir dans notre département « un autofinancement structurellement élevé, des investissements inférieurs au niveau de financements disponibles, ce qui conduit à une accumulation de trésorerie ». (page55)
Des écarts significatifs entre le « prévisionnel » et le « réalisé » sont aussi noté par la Chambre, avec des taux de réalisations des dépenses de fonctionnement ente 80 et 90% et des taux de réalisation de recettes de fonctionnement entre 110 et 118%. Dire autrement on dépense toujours beaucoup moins que ce l’on a prévu et on encaisse des recettes toujours plus importantes que celles attendues. Ceci est également vrai pour les dépenses d’investissement. Tout ceci conduit la Chambre a utilisé un terme qui en a fait bondir plus d’un ici sur les bancs de la majorité et que (rendons à César ce qui appartient à César !) notre collègue Patrick Jarry a utilisé à de nombreuses reprises. Il s’agit du sujet de l’insincérité des prévisions budgétaires, avec des prévisions de dépenses finalement exagérées « ne tenant pas compte des économies que le département envisage de faire » et des prévisions de recettes (l’opposition l’a dénoncé régulièrement) sous-estimées notamment sur les droits de mutation.
Des économies, le Département en a fait : près de 50M€ entre 2014 et 2019 dont plus de la moitié basée sur la diminution de dépenses de personnel au gré des nombreuses réorganisations opérées et du gel des recrutements dont on connaît les effets sur la qualité du service rendu.
Les économies de fonctionnement sont d’ailleurs aller bien plus loin que les prévisions budgétaires annoncées. Comme le rappelle la Chambre, « alors que les débats d’orientation budgétaires de 2016 et 2017 visaient le maintien de la masse salariale sous un seuil de 300M€ annuel, les dépenses de personnel n’étaient plus que de 237M€ en 2020, même si ce montant est en partie subi du fait des vacances de postes croissantes depuis 2019 » (page 82)
Le duo « dépenses en baisse/ recettes en hausse » conduit mécaniquement à la constatation en fin d’année d’un excédent d’exploitation toujours plus important et donc d’une capacité d’autofinancement tout aussi plus importante (elle a augmenté de 64% depuis 2014). Il y a tellement d’argent que parallèlement, force est de constater que d’éventuels scenarios de recours à l’emprunt n’ont pas besoin de se réaliser : je rappelle que le taux de recours à l’emprunt a été nul ou quasi nul depuis 2016 (page56).
Nous n’avons cessé de contester cette stratégie de préservation de la capacité d’autofinancement placée à un tel niveau associée à une doctrine du non-recours à l’emprunt , qui d’ailleurs est largement soutenu par la rente de situation que lui offrent d’une part le dynamisme des droits de mutation et des bases fiscales élevées (même si ces dernières auront moins d’impact du fait de la suppression de la part départemental de taxe foncière)
Tout ceci conduit à une trésorerie surabondante : 771 M€ en 2019, 677 M€ en 2020.
Près de 700 M€ dans les caisses, (dans le coffre dirait notre collègue Patrick Jarry). Heureusement que l’on n’écrête pas les comptes des collectivités sinon le coup de rabot aurait été justifié… Ces sommes doivent être utilisées pour augmenter les services rendus à la population et il n’y a aucune raison que l’on thésaurise autant d’argent quand des besoins demeurent pour les plus fragiles mais aussi pour les classes moyennes. Avant que de renforcer la péréquation francilienne (piste évoquée par la Chambre que je trouve intéressante), il y a à renforcer les services à la personne, à l’accompagnement et à l’insertion professionnelle et sociale et à imaginer des nouvelles solidarités. Le département des Hauts de Seine en a manifestement les moyens (pour ceux qui en doutaient encore) et il faut maintenant la volonté politique.