Compte administratif 2023 : dépenser plus pour renforcer les actions sociales et de soutien aux populations les plus fragiles

Intervention de Joaquim Timoteo sur le compte administratif 2023, lors de la séance plénière du Conseil départemental des Hauts-de-Seine du 5 avril 2024.

Le compte administratif : l’opportunité de faire un bilan de l’action départementale

Nous avons comme tous les ans à porter un regard rétrospectif sur l’exécution des choix budgétaires que vous avez pris lors du vote du budget primitif l’an dernier. 

Comme l’an dernier, mon intervention sera relativement courte car il ne s’agit pas reprendre ici point à point les diverses délibérations qui ont jalonnées l’année passée et qui se retrouvent, d’une certaine manière, retracées ici. Nos critiques sur l’insuffisance de l’engagement pour une meilleure prise en compte des publics les plus fragilisés, vous les connaissez. Tout comme nos divergences sur les réponses apportées aux attentes des habitantes et habitants de notre territoire. 

Pour aller vite, je crois qu’on peut rapidement baliser 3 enseignements principaux de ce compte administratif : 

Un 1er enseignement : les effets du nouveau mode de financement des collectivités 

L’année 2023 a incontestablement été une année difficile pour toutes les collectivités, conséquence d’une part des réformes liées au financement des collectivités et aux transferts de fiscalité associés, et d’autre part de la situation économique générale faite d’inflation, de hausse des taux d’intérêt avec un impact extrêmement fort sur le marché immobilier tant sur la construction que sur les transactions. 

Conséquence pour les collectivités, une baisse des produits de la fiscalité indirecte, principalement des droits de mutations à titre onéreux. Le Département n’y a pas échappé puisque les recettes encaissées sur ces droits d’enregistrements ont fortement baissé (- 212 M€) bien qu’elles restent à un niveau que beaucoup de départements apprécieraient, puisqu’elles représentent encore près de 505 M€ pour notre collectivité

La chute des DMTO a donc marqué de manière forte l’année 2023. C’est une difficulté conjoncturelle certaine, mais qui devrait être vite épongée dès la reprise du marché immobilier, marché immobilier qui est structurellement très dynamique dans les Hauts-de-Seine.  

Autre conséquence de la crise de l’immobilier toujours en termes de fiscalité, c’est la baisse de la taxe d’aménagement. Elle est divisée par 2 par rapport à l’année précédente. 

Tout ceci a été un peu atténué quand même par la fraction de TVA que nous recevons maintenant en compensation de la suppression de la part de CVAE.  

Transfert d’une part de ceci, péréquation à différents niveaux, attribution de compensation, etc… La complexité de toute cette tuyauterie du financement de la collectivité est bien peu lisible pour le citoyen. 

Tout ceci illustre malheureusement les effets des récentes réformes du financement des collectivités locales sur lesquelles, nous avons me semble-t-il, un avis commun. Nous constatons la fragilisation qu’elles provoquent, avec une dépendance de plus en plus fortes à des dotations diverses dont on ne maîtrise par le niveau. Et un Département qui ne peut plus lever l’impôt et n’a donc plus de levier d’ajustement à sa main. 

2ème enseignement : l’augmentation en trompe-l’œil des dépenses liées à la compétence principale du Département, le social 

Sur l’exécution budgétaire (exécution à 80% en fonctionnement), je ne vais pas m’engager dans une lecture fine des postes de dépenses. A beaucoup d’égard, je pourrais presque faire les mêmes remarques que l’an dernier sur l’exécution du budget 2022.  

La faible augmentation des dépenses réelles de fonctionnement (+87 M€ en 2023 par rapport à 2022) est essentiellement du fait de dépenses contraintes liées aux revalorisations salariales dans le champ social et médico-social, à la hausse du point d’indice pour les fonctionnaires ou encore de la revalorisation des allocations individuelles (APA ou PCH prestation compensation du handicap). 

Si on neutralise ces hausses contraintes, finalement les dépenses relatives aux actions sociales ont stagné voire ont baissé, excepté pour celles consacrées à la protection de l’enfance. 

  • Pour le «Parcours petite enfance », les dépenses ont finalement baissé de 11% avec le transfert progressif des crèches vers les villes. Le Département continue de préparer tout doucement l’abandon de fait de sa compétence sur ce sujet. Je pense que les villes se mordront un jour les doigts d’être entrées dans ce mécanisme. 
  • Pour le « parcours Seniors », la dépense consacrée au maintien à domicile augmente mais essentiellement du fait de l’augmentation de l’APA. Dans le mm temps le financement à l’agence interdépartementale de l’autonomie a diminué de 1 M€… 
  • Pour le parcours « Jeunes », sur les actions d’accompagnement des jeunes : baisse également ; étonnant car c’est là que l’on trouve le soutien au clubs de prévention. On aurait pu s’attendre vu les évènements liés aux violences urbaines du milieu de l’année 2023, à ce que cette dépense visant la prévention connaisse au moins un petit coup de pouce ; mais visiblement cela n’a pas été le cas  
  • Sur le parcours « Bénéficiaires du RSA », pour le parcours « Soutien à la parentalité », pour le parcours « Publics fragilisés », 2023 aura été l’année de la stagnation de la dépense comme si les besoins finalement n’avaient pas évolué… 
  • Sur la « protection de l’enfance », je salue l’effort qui a été poursuivi pour l’hébergement notamment à destination des familles d’accueil et des établissements départementaux. Le budget alloué aux résidences hôtelières (qui sont pudiquement appelées maintenant « résidences éducatives ») a été en diminution ; signe que l’on en sort progressivement mais sans doute pas assez vite. 

Je ne vais pas retracer tous les postes d’intervention mais j’aurais pu revenir aussi les investissements insuffisants dans le soutien au logement et à sa rénovation. 

3ème enseignement : « quand on a connu l’opulence, c’est difficile de revenir à une situation un peu plus normale » 

Nous ne sommes pas encore en période de totale vache maigre mais les temps ont été plus difficiles et le niveau de l’exorbitant excédent de fonctionnement en fin d’année s’en ressent.  

Excédent qui, d’une certaine manière, revient à des niveaux plus normaux : 99 M€ d’excédent en section fonctionnement (c’est 5 fois moins qu’en 2022).  

Finalement on a dépensé un peu plus en fonctionnement (+6%) malgré une baisse des recettes et on finit avec un excédent certes moins démesuré que d’habitude mais un excédent non négligeable quand même. 

D’aucun crie à la panique mais il est fort à parier que dès que la fiscalité indirecte retrouvera son niveau de croisière passé, le Département pourra à nouveau annoncer des excédents record. Sauf s’il s’engage à dépenser plus pour renforcer les actions sociales et de soutien aux populations les plus fragiles. Ce que nous appelons de nos vœux depuis fort longtemps. Mais nous croyons assez peu à cette probabilité. 

L’année 2022 se termine donc avec un excédent de fonctionnement annuel moins important. Mais il faut rapprocher ce résultat des excédents antérieurs cumulés qui se montent à près de 409 M€, ce qui laisse de quoi couvrir largement le déficit en investissement et conserver in fine 116 M€ d’excédent libre d’affectation (contre 394 M€ en 2022, soit 3 fois moins). 

Retrouvez le compte rendu complet de la séance plénière du 5 avril 2024 ICI et l’intervention de Najib Benarafa sur ce même compte administratif ICI.

La séance est à visionner en replay ICI.

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