Compte administratif 2023 : prendre en compte le coût carbone et lutter contre le réchauffement climatique

Intervention de Najib Benarafa sur le compte administratif 2023, lors de la séance plénière du Conseil départemental du 5 avril 2024.

Baisse des recettes et conjoncture financière

L’année 2023 a été marquée par une crise de l’immobilier. Celle-ci a eu pour conséquence de faire chuter les recettes de DMTO particulièrement dans notre département. On peut critiquer, à raison, le gouvernement actuel d’être à l’origine de la perte d’autonomie financière des départements, en s’accaparant du contrôle de presque toutes les recettes directes. Comme vous l’avez souligné le montant global de la fiscalité directe a diminué de 50 % en 2023. Ceci est du fait de la suppression de la CVAE actée par la loi de finances pour 2023. C’est inquiétant pour la liberté et l’autonomie des départements, qui sont pourtant un service public très proche et apprécié des habitants. 

On peut aussi critiquer la légèreté de la BCE qui a fait marcher la planche à billets pour créer de la masse monétaire qui ne correspondaient à aucun travail avec pour conséquence une forte inflation. Certes d’un point de vue fiscal cette inflation a permis d’augmenter les recettes de TVA mais elle a aussi contraint les banques à augmenter ses taux d’emprunt tout en contractant les salaires. 

Politique immobilière

Je lis qu’il y a eu une diminution de 56% des recettes liées à l’investissement bureau. Mais si le volume des transactions a fortement diminué, ce n’est pas qu’en raison de l’augmentation des taux d’emprunt et de la réticence des banques à produire des prêts en l’absence d’apport solide, comme c’est précisé dans le rapport. C’est peut-être parce qu’elles pensent que cet investissement est risqué depuis la crise Covid et le développement du télétravail.  

C’est pourquoi d’ailleurs nous avions critiqué l’investissement coûteux réalisé sur l’immeuble Sowork. Le département sait faire pourtant de bons investissements. Celui de la réhabilitation du Stade Yves du manoir de Colombes en est un. Il coche toutes les cases de la transmission à travers son histoire, à travers la mise à disposition d’un outil pour la jeunesse et surtout à travers sa construction écologique et sa durabilité pour les générations futures.  

Ce n’est pas avec un compte administratif et des chiffres que l’on pourra dire que cet investissement est rentable. Mais si on se dote d’un agenda 2030 avec des objectifs de développement durable ambitieux, on se doit de voir les choses autrement. 

Les excédents budgétaires

 Idem pour les excédents budgétaires longtemps considérés comme une bonne gestion par le département. Nous nous félicitons qu’une grande partie de l’excédent ait été utilisé pour les altoséquanais. Avoir plus de 400 millions d’excédent était une anomalie pour une collectivité et pas forcément un bon signe.  

On peut faire l’analogie avec les comptes administratifs des collèges. Si jamais les collèges de notre département ne dépensent pas la majeure partie du budget qui leur est alloué, ils subissent un écrêtement.  

Quand un département se permet de garder en réserve tant d’argent public alors qu’il y a eu des mouvements sociaux en été et des émeutes où on a vu des enfants piller des supermarchés pour dérober des bidons d’huile d’olive, ou quand on est dans un contexte d’urgence climatique, cet excédent suscitait l’incompréhension. 

Surtout, il suscitait la convoitise d’un gouvernement qui ne parvient pas à gérer sa propre dépense et qui surévalue ses recettes. Il était donc important de diminuer ce fond de roulement. 

C’est donc un nouveau défi que devra relever le département. Comment conserver une indépendance financière vis-à-vis d’un Etat qui s’est accaparé le contrôle de presque toutes les recettes directes ? 

Quand on voit l’évolution des comptes administratifs, avec des recettes qui vont peut-être baisser durablement, et des dépenses qui vont être à la hausse, avec le reste à charge pour le Département des allocations individuelles de solidarités et la nécessité d’investir beaucoup plus pour lutter contre le réchauffement climatique, on peut s’inquiéter. 

L’opportunité de développer des stratégies de financement nouvelles  

La solution de facilité serait d’avoir recours à l’emprunt auprès des banques. Banques qui, il ne faut pas l’oublier, ont leur part aussi dans cette crise de l’immobilier.  

Ce n’est pas le fait de s’endetter qui nous inquiète. Au contraire, la monnaie perd beaucoup de sa valeur avec le temps. Aussi il est plutôt conseillé de s’endetter quand les taux sont encore bas.  

Mais à l’heure où nous devons investir massivement pour lutter contre le réchauffement climatique, contre la pollution et pour la sauvegarde de la biosphère en taxant les pollueurs pour récupérer l’argent nous–même, il est regrettable d’être contraints de demander aux banques centrales d’imprimer de nouveaux billets. Banques qui vont s’enrichir sans prendre de risques en nous prêtant de l’argent et utiliser ces gains pour les investir dans de nouveaux projets à forte empreinte carbone. Un sacré paradoxe. 

Alors comment générer de nouvelles recettes sans avoir recours à l’emprunt ? 

Sachant que seuls 2,2 % de l’énergie totale consommée sur le territoire altoséquanais y est produite, on pourrait utiliser la société d’économie mixte (SEM) locale de l’énergie, créée astucieusement par le Département, pour favoriser le développement des productions d’énergie renouvelables et de récupération et en faire une source de recettes.  

Soit en revendant l’électricité, ce qui est autorisé par la loi, soit en autoconsommation facilitée par la nouvelle loi APER. Avec la généralisation des voitures électriques on pourrait imaginer de recouvrir une partie des voies départementales ou des pistes cyclables par des panneaux photovoltaïques, ça existe en Allemagne dans la ville de Fribourg. Et le photovoltaïque est l’énergie la plus rentable actuellement. 

On peut aussi faire des appels aux dons ou au financement participatifs pour ce genre de projet. Le crowd-funding est quelque chose qui existe dans certains départements. L’idée serait de solliciter massivement les entreprises les plus polluantes et qui ont souvent aussi généré le plus de profit dans notre département. Cette sollicitation volontaire, qui ne serait donc pas une taxe, mais une compensation climatique et sociale éviterait d’avoir recours à l’emprunt tout en aidant les entreprises polluantes à rembourser leur dette carbone vis-à-vis de la société. 

Ce ne serait que justice car l’argent public ne doit pas servir qu’à réparer ce que d’autres ont détruit pour réaliser des profits. 

Prendre en compte le coût carbone

Un dernier souhait pour ce compte administratif le coût Carbone des recettes et des dépenses n’est jamais précisé.  

Je sais que ce n’est pas le but de l’exercice et qu’il existe désormais un budget vert qui est un outil intéressant mais malheureusement insuffisant.  

En effet la cotation des dépenses favorables ou défavorables à l’environnement est aujourd’hui faite de manière macro sur des grandes masses, ce qui conduit à privilégier la cotation neutre car on agrège dans le même périmètre des dépenses cotées favorables et défavorables.  

En outre, certaines des dépenses sont cotées neutres parce qu’il n’est pas possible d’identifier leur utilisation finale, en raison du nombre de lignes de crédits ou parce qu’elles financent un projet ou une politique par l’intermédiaire d’un opérateur. 

Chaque dépense, chaque financement devrait non seulement faire l’objet d’une étude d’impact chiffrée avec des indicateurs établis mais aussi d’une contre-expertise pour vérifier si les projections environnementales des études d’impact sont exactes.  

Il n’est pour l’instant pas possible de s’assurer que les engagements financiers sont efficaces par rapport à leur contribution effective à la transition écologique. 

Les études d’impact pourront permettre de revoir certains dispositifs qui se révéleraient décevants par rapport aux objectifs, d’éventuellement ajuster le budget et ainsi d’être sûrs d’aller dans la bonne direction. 

Retrouvez le compte rendu complet de la séance plénière du 5 avril 2024 ICI et l’intervention de Joaquim Timoteo sur ce même compte administratif ICI.

La séance est à visionner en replay ICI.

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