Débat d’orientation budgétaire 2025

Intervention de Joaquim Timoteo lors de la séance plénière du Conseil départemental des Hauts-de-Seine du 14 février 2025.

Nous débattons ce matin des orientations qui vont prévaloir dans la construction du budget 2025 et donc des choix politiques de votre majorité dans la conduite de l’action départementale. 

Un contexte d’instabilité politique et financière

Evidemment notre groupe est pleinement conscient du contexte d’instabilité politique et financière dans lequel s’opère cet exercice : 

  • un contexte de pressions fortes sur les finances des collectivités locales qui voient globalement leurs recettes diminuer, du fait des choix politiques des gouvernements que vous avez soutenus. Ces choix ont transformé et déstabilisé le modèle de financement des collectivités locales, avec la suppression de divers impôts de production, avec la suppression ou le transfert d’impôts liés à l’habitation (tel que la taxe d’habitation, taxe foncière). Sur ce point, nous n’avons pas fini de voir les effets collatéraux désastreux de ces décisions. Comme je l’ai déjà dénoncé ici, la situation est ubuesque. Les Départements, dont la compétence principale et obligatoire est le social, voient aujourd’hui leurs principales recettes conditionnées par le niveau des « frais de notaires » (DMTO) et par la réversion d’une fraction de TVA. Ce sont donc des recettes conditionnées d’une part par le dynamisme du marché immobilier et la spéculation qui y règne, et d’autre part par le dynamisme du marché des biens et services. Pour notre département cela représente 1,2Mds de recettes sur les 2Mds de recettes totales (60%). Cela ne pourra pas marcher durablement ainsi.
  • un contexte de pressions fortes sur les finances des collectivités locales qui impacte évidemment également leurs dépenses. Et ce, alors même que les besoins de protection et d’accompagnement ne cessent d’augmenter. La fragilisation de la population, voire la paupérisation et l’exclusion d’une partie d’entre elle, appelle l’intervention de la puissance publique à tous les niveaux territoriaux. 
Un rapport d’orientation budgétaire qui se veut rassurant…

Mais derrière les effets d’annonce, il y a une réalité bien plus inquiétante : celle d’une politique budgétaire déconnectée des urgences sociales. 

Le rapport nous explique que « 75% des habitants sont satisfaits de l’action départementale, en s’appuyant sur un sondage commandé dans le cadre de la campagne « On est bien dans les Hauts-de-Seine ». Un sondage financé par le département lui-même pour vanter ses propres actions, est-ce une preuve fiable d’une gestion irréprochable ? Pas certain.

Surtout, cette communication passe sous silence les réalités vécues par de nombreux Altoséquanais : 

  • Des familles en difficulté qui peinent à trouver une place en crèche ou un mode de garde adapté. 
  • Des jeunes en recherche d’emploi qui manquent d’accompagnement et de dispositifs d’insertion. 
  • Des bénéficiaires du RSA ou de l’APA qui se battent avec des démarches administratives longues et complexes. 
  • Des usagers de plus en plus nombreux qui ont du mal à faire valoir leurs droits 
Un sondage flatteur ne remplacera jamais des politiques publiques solides et ambitieuses dans le domaine des solidarités

Que constate-t-on sur ce volet ? 

D’abord que le niveau d’engagement du Département se situera quasi à l’identique de celui de l’an dernier. Celui-ci se situe à hauteur de 1,02 Mds€, avec une très faible augmentation de 7 M€ par rapport à 2024 (qui est expliquée exclusivement par la revalorisation des allocations individuelles des solidarité et par aucune autre nouvelle mesure). 

Cet engagement est le poste principal des dépenses. C’est bien normal au vu du chef de filât du Département dans l’action sociale. Il demeure néanmoins bien en deçà de ce que font les Départements. Ceux-ci consacrent en moyenne plus de 70% de leurs dépenses de fonctionnement à l’aide sociale quand les Hauts-de-Seine n’en consacrent que 60%. 

En réalité quand on regarde dans le détail, on s’aperçoit que ce sont généralement des baisses en fonctionnement qui vont être proposées et par ailleurs un ralentissement des investissements. A titre d’exemple, il était prévu l’an dernier (au budget primitif 2024) qu’on investirait en 2025 14 M€ pour la réalisation des pôles sociaux, de foyers et de la maison de l’avenir. En réalité on n’inscrira plus que 10M€ au budget cette année.  

Sur la petite enfance et la protection de l’enfance

Nous constatons une baisse des crédits. Elle est certes expliquée en partie par la suppression des aides au financements des structures privées à but lucratif mais aussi par la nouvelle diminution de l’allocation BebeDom dont j’ai dû mal à comprendre. La baisse car la démographie ne peut pas tout expliquer.

Sur la protection de l’enfance, c’est une baisse de 3M€, dont 2M€ retirés notamment pour le placement en famille. On a déjà pu saluer les efforts qui ont pu être faits pour améliorer la situation des enfants et des jeunes pris en charge par l’ASE. Mais il reste encore beaucoup de chemin à faire. Dans cet esprit, on aurait aimé trouver dans le document des éléments qui illustrent la politique volontariste du département (si elle existe) pour éviter aujourd’hui les « sorties sèches » de l’ASE et montrer l’effectivité de l’accompagnement de ces jeunes jusqu’à 21 ans, comme le prévoit maintenant la loi. 

Sur les parcours séniors et personnes handicapées

Sur d’autres parcours spécifiques, on note les efforts qui sont faits pour les Seniors et les personnes handicapées. Un effort budgétaire est acté, notamment pour permettre soit le maintien à domicile (au travers essentiellement des allocations et prestations spécifiques  : APA ou PCH), soit la prise en charge dans des établissements spécialisés. Au-delà des seules prestations, il manque en revanche ici une véritable information sur l’accompagnement des personnes âgées puisque cette activité a été déléguée au GIP AutonomY ‘avec les Yvelines. Que fait-on par exemple pour prévenir la perte d’autonomie ? On n’en sait trop rien à lire ce document… 

Sur le volet handicap, il faudrait dégager des moyens pour faire mieux fonctionner la MDPH. En effet, les délais moyens de traitement des dossiers demeurent à des niveaux très élevés aujourd’hui (8 mois actuellement, contre moins de 5 mois en 2022). Nous devons stopper la dégradation de cette situation.

Une stratégie jeunesse qui pose question

Si l’intérêt porté à la jeunesse est évidemment nécessaire, force est de constater que ce qui est proposé est assez éloigné d’une vision stratégique. Cela résulte plutôt d’une superposition de dispositifs dans les différents champs d’intervention de la collectivité . Ce n’est finalement que le reflet de la fragmentation de la prise en compte de la jeunesse de vos politiques, avec aucune approche transversale. Un amoncellement de dispositifs, tout intéressants ou utiles qu’ils puissent être, ne forge pas une stratégie mais au mieux un catalogue. 

On peut évidemment vouloir rendre visible l’action en direction d’un public particulier comme les jeunes, c’est légitime. Mais si on veut fonder une véritable politique jeunesse alors il faut aller un peu plus loin. Si c’est votre objectif, il y a encore un peu de travail. Par exemple, dans le cadre de l’élaboration d’une politique de jeunesse, on ne mélange pas ou on ne met pas sur un pied d’égalité des aides éducatives à domicile dans le cadre de l’ASE (qui sont liées à une compétence obligatoire) et des aides facultatives en faveur de la citoyenneté ou de la solidarité internationale (comme Initiatives Jeunes Solidaires), dont au passage il n’est fait aucune référence dans cette partie. 

Une révision globale de nos ambitions en terme d’investissements

Certes on dépensera un peu plus un peu partout mais on dépensera moins que ce qui était prévu.

Pour les dépenses d’investissement liées aux collèges, on nous promettait l’an dernier 123 M€. Finalement on aura réalisé 114 M€ en 2024. Pour 2025, la prévision annoncée l’an dernier était de 165 M€. Finalement on inscrit que 131 M€  pour cette année.

Idem pour investissements dans les établissements culturels. Pour 2025 on prévoyait l’an dernier 66 M€, au final on n’inscrira que 53 M€.

Idem pour investissements liés aux mobilités. Pour 2025, 179 M€ étaient prévus l’an dernier, au final on n’inscrira que 119 M€ (soit 8 M€ de moins que l’exécuté en 2024).

Idem pour investissements dans les infrastructures sportives. Pour 2025 58 M€ étaient prévus l’an dernier, au final on n’inscrira que 40 M€. Sur le sport d’ailleurs, dommage que l’on n’ait pas maintenu l’effort financier pour la pratique sportive. Certes le soutien au sport de haut niveau ne bouge pas. Mais c’est dommage que le soutien à la pratique sportive pour tous soit un peu en baisse, alors même que l’on sait qu’il y a eu un effet JO et JOP sur les licences sportives des fédérations (notamment celles qui ont été titrées). Cette augmentation concerne, de plus, certains publics habituellement plus éloignés de la pratique sportive licenciée  : c’est le cas des femmes et des seniors ou encore du handisport.  

Préservation des ressources et contractualisation municipale

Je reviens aux investissements notamment sur la préservation des ressources. On note là aussi une baisse des investissements de près de 4 M€ pour la gestion des eaux pluviales et la réduction du risque d’inondations en 2025. Je m’interroge sur la pertinence de cette baisse car je crois me souvenir que le Préfet des Hauts-de-Seine nous a fait part le mois dernier de son inquiétude sur les niveaux à venir de la Seine et le risque de crue semblable à celui de 1910. Etonnant dans ce contexte qu’on ne renforce pas les dépenses ici.

Enfin pour terminer, il sera bien sûr aussi question de soutien à l’investissement dans le cadre des contrats de développement, dont les 2/3 seront en renouvellement cette année. Mais aussi de dépenses de fonctionnement pour les communes. On continue de regretter que vous ayez choisi de geler le mécanisme de revalorisation des enveloppes de fonctionnement dans le cadre de ces contrats. Mais peut-être pourra-t-on, lors de ces renouvellements, y inclure des dépenses nouvelles dont les villes auront dorénavant à supporter la charge. Je pense notamment au coût que les villes devront dorénavant supportés pour l’inspection de leur sous-sol puisque le Département qui prenait à sa charge une partie du coût vient de dénoncer la convention avec l’Inspection qui le permettait. Dans mon territoire Vallée Sud, ce sont 8 communes sur 11 qui vont être concernées.  

J’espère qu’une solution pourra être trouvée sur ce sujet. 

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