Concession restauration et nettoyages collèges publics.
Intervention de Najib BENARAFA en séance publique du Conseil Départemental du 8 avril 2022.
Monsieur le Président, chers collègues,
Il y a déjà 18 ans, Vincent Gazeilles, ancien conseiller départemental écologiste dénonçait la privatisation de la restauration collective des collèges et le manque d’obligation en termes de produits bio et locaux, vous savez maintenant qu’il avait raison.
Aujourd’hui avoir du bio, des produits issus de circuits courts, la lutte contre le gaspillage ou de recyclage des biodéchets sont devenus une évidence, sauf qu’entre-temps, l’état de la planète s’est encore plus dégradé et tous les nouveaux critères que vous avez négociés avec beaucoup d’effort – et je le sais de sincérité – ne sont plus suffisants.
Pour cet appel d’offre, vous avez privilégié des critères qualitatifs en leur attribuant : 70 points, il y a 35pts pour la Qualité du service rendu aux usagers : 30 points pour les critères économiques 25 pts pour l’Organisation et moyens humains et techniques… mais seulement 10 pts attribués pour le Développement durable et l’insertion sociale. A peine 10 points sur 160 points donc, pour le développement durable et l’insertion sociale.
Certes il y a de vrais progrès en matière de recyclage, de traçabilité et d’approvisionnement en produits locaux, mais en matière d’aliments BIO, Sodexo et Elior se contentent de respecter la loi EGALIM, soit environ 20% de produits BIO seulement pour les 4 ans à venir. Ce n’est malheureusement pas à la hauteur si on prend en compte la santé publique et l’urgence climatique.
L’agriculture Bio, faut-il le rappeler, permet à l’agriculteur de travailler sans pesticides qui sont destructeurs pour sa santé et pour la biodiversité. Si on veut un monde sans insectes et donc sans oiseau on peut continuer ainsi on est sur la bonne voie. Pire, une étude fondée sur les données fournies par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) datant de la semaine dernière seulement, a montré qu’il existait des résidus de pesticides sur deux tiers des fruits, légumes et céréales non bio. On expose donc nos enfants à de très petites quantités de pesticides chaque jour, certes non nocives individuellement, mais dont l’effet cocktail sera connu probablement dans plusieurs dizaines d’années seulement…
Mais une agriculture non bio c’est aussi une agriculture qui utilise des engrais azotés de synthèse. La production et l’utilisation d’engrais azotés de synthèse représentent 2,4 % des émissions mondiales de gaz à effets de serre, ce qui en fait l’un des produits chimiques industriels les plus polluants pour le climat.
Autre facteur sur lequel on peut agir, la consommation de viande. Vous proposez un menu végétarien alternatif chaque jour, ce qui est admirable, mais si on veut vraiment agir sur le réchauffement climatique on doit imposer au moins un jour sans viande par semaine, l’impact serait alors vraiment significatif. Selon les chiffres de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’élevage, à lui seul, est aujourd’hui responsable d’environ 15 % des émissions anthropiques de gaz à effet de serre dans le monde. Ce qui ne représente pas moins des quatre cinquièmes des émissions totales du secteur agricole.
Et ne croyez pas que c’est punitif ou liberticide. Les enfants ont besoin qu’on leur montre des limites dans toute chose car cela les rassure. Plus de 50% des collégiens et lycéens souffrent d’éco-anxiété. C’est-à-dire qu’ils ont une véritable crainte des conséquences du changement climatique et ont de grosses interrogations sur la possibilité d’avoir un futur possible. S’ils ont l’impression que les adultes ont pris la mesure de ce qui se passe, en leur proposant des repas sans viande un jour par semaine, ils comprendront que l’on prend soin d’eux et de leur futur. De plus en diminuant l’achat de viande cela permettrait de compenser le surcoût des aliments Bio. De toute manière, en matière de réchauffement climatique, agir coûtera toujours moins cher que de conserver les mêmes habitudes.
Autre regret, la gestion de biodéchets. Il y a un vrai choix de votre part de généraliser la valorisation des restes en les stockant pour les transporter vers un prestataire pour produire du biogaz et c’est un réel progrès que je salue, car autrefois ces déchets étaient simplement jetés pour finir brûlés avec l’impact sur les gaz à effet de serre que l’on sait.
Mais nous payons pour que l’on gère nos déchets, ce qui crée une nouvelle dépendance, alors que ces biodéchets ont de la valeur. J’aurais mille fois préféré que l’on installe des plateformes de compostage dans chaque collège. D’abord parce que c’est pédagogique pour les élèves. Les élèves trient eux-mêmes leurs biodéchets et en restant sur place ils ne sont pas dématérialisés ce qui a un véritable effet sur la diminution du gaspillage alimentaire, car ils ont une visibilité sur ce que deviennent ces déchets. Je le sais, je l’ai expérimenté. Et puis parce que le compost obtenu va servir directement à enrichir les sols très appauvris et participer à la végétalisation des collèges dont vous avez fait un de vos objectifs.
Il y a donc une vraie cohérence à promouvoir ce compostage sur place car c’est un modèle concret d’économie circulaire pour les élèves qui pourront se servir du compost dans les activités ou ateliers de potagers ou de jardinage. Le retour à la Terre de nos biodéchets, c’est rendre au sol ce qu’il nous a donné et favoriser la végétalisation, dernier rempart contre la chaleur, les inondations, le bruit, l’extinction des espèces et la pollution. Chaque collège doit être perçu comme un écosystème à part entière, si on veut construire la société de demain.
Tout ce rapport de 400 pages, ses comparaisons, ses négociations, ses annexes, montre que vos services ont effectué un travail remarquable et que des progrès en matière de qualité vont être réalisés. Je sais qu’en faisant le choix surtout de la qualité vous voulez ce qu’il y a de mieux pour nos enfants, mais cette vision doit être encore plus globale, je crois que la plupart d’entre nous ne se rend pas compte du cri d’alarme des scientifiques.
Le dernier volet du rapport du Giec est sans appel : nous avons 3 ans pour inverser la courbe des émissions de gaz à effet de serre si nous voulons laisser une planète vivable pour nos enfants. La part des collèges dans le bilan carbone est énorme, nous ne pouvons pas attendre 18 ans de plus pour entendre dire que le groupe des Ecologistes & Socialistes avait raison sur le bio, sur la viande, sur le compost sur place plus écologique et plus économique.
Si nous prenons vraiment au sérieux les données des scientifiques du monde entier, nous devons faire TOUT ce qui est en notre pouvoir pour limiter chaque émission de gaz à effet de serre, nous devons tout faire pour que le département puisse dire fièrement : « nos cantines ont arrêté de chauffer la planète ».