Alerte sur la dotation d’heures dans les collèges des Hauts-de-Seine en 2023

Najib Benarafa et Chantal Barthelemy-Ruiz, en compagnie de la députée des Hauts-de-Seine Fransesca Pasquini, entourés de parents et d’élèves, lors du rassemblement du 16 février 2023 devant la mairie de Colombes.

Chaque année, l’Education nationale décide de la dotation horaire des collèges et des lycées, qui prennent en compte les effectifs estimés par la Direction Académique des Services de l’Education Nationale (DASEN) pour la rentrée suivante… Mais en ce début d’année 2023, les annonces de répartition des heures, notamment dans les établissements de la ville de Colombes mais aussi plus généralement dans le département des Hauts-de-Seine, suscitent les plus vives inquiétudes de la part des parents d’élèves et des syndicats d’enseignants. En effet, les conséquences de cette baisse de dotation horaire globale (DHG) aura des conséquences prévisibles, et dont le département a déjà fait l’expérience cette année : hausse des effectifs par classe, baisse du nombre de professeurs, dégradation des conditions d’enseignement et d’apprentissage.

Chantal Barthélémy-Ruiz et Najib Benarafa ont participé au rassemblement devant la mairie de Colombes ce jeudi 16 février 2023. Najib Benarafa a pris la parole pour alerter l’académie et le département, lors de la séance du Conseil Départemental de l’Education Nationale du 9 février dernier.

Intervention de M. Benarafa lors du Conseil Départemental de l’Education Nationale du 9 février 2023

M. le Directeur Académique, Mme la Vice-présidente du Département, mesdames et messieurs les élus et représentants syndicaux ou d’associations,

Comme toutes les organisations représentées ici, je reste perplexe devant la baisse globale de la DHG : plus de 1000 heures en moins dans le 92.

Quand bien-même on observe une baisse démographique, l’éducation n’est pas seulement une affaire de calculs, d’algorithme, de chiffres et de lettres. Non, le langage de l’éducation est aussi celui du vivant, et ce n’est pas le professeur de SVT, ni l’écologiste, qui vous parle, c’est le conseiller départemental qui assiste aux conseils d’administration de tous les collèges de la ville de Colombes et qui lit le désarroi dans le regard de tous les représentants (enseignants, élèves et parents) quand on leur demande de répartir une DHG si pauvre qu’elle n’offre plus de choix pédagogiques mais que des renoncements. Quel que soit le choix ils seront tous perdants.

L’année dernière, la baisse des DHG dans les collèges publics avait particulièrement touché les établissements avec les Indices de Positionnement Social les plus faibles. Dans le 2° degré, six communes se distinguent, avec un IPS inférieur à 100 : Villeneuve-la-Garenne, Bagneux, Gennevilliers, Clichy, Nanterre et Colombes. Pourtant ce sont les collèges de Gennevilliers et Colombes qui subissent les plus lourdes pertes d’heures. Sachant que l’IPS a encore plus baissé dans ces collèges et que l’inflation ne va rien arranger, la diminution des DHG dans ces collèges apparaît disproportionnée et inappropriée !

Disproportionnée car même pour ceux qui se rangent derrière les chiffres, le retrait des moyens est bien plus important que la baisse démographique annoncée : le « nombre d’heure par élève » est en baisse dans ces collèges. De plus les effectifs prévus dans ces collèges pour l’année prochaine me paraissent sous-estimés.

En 2021 a eu lieu ici-même une CDEN sur la sectorisation de Colombes, au cours de laquelle on nous a présenté un tableau prévisionnel d’effectif pour chaque collège jusqu’en 2026. Force est de constater, en voyant les nouvelles prévisions pour 2023, qu’elles ne correspondent plus du tout à celles présentées il y a deux ans. Tout ça pour vous dire que malgré les algorithmes il reste très difficile de prévoir avec justesse les effectifs d’une année sur l’autre, pourtant ce facteur impacte fortement la DHG attribuée.

Autre preuve que les effectifs sont souvent sous-estimés : au collège Gay-Lussac et au collège Marguerite Duras de Colombes, une dizaine d’élèves supplémentaires ont été accueillis à la rentrée 2022, par rapport aux prévisions. De toute façon, même quand il est prévu des élèves en plus, parfois la DHG baisse quand même.

Le collège REP Marguerite Duras de Colombes nouvellement labellisé établissement pilote de la Cité Educative, avec pourtant neuf élèves supplémentaires prévus, s’est vu retirer 23 heures et ne pourra plus faire fonctionner les dispositifs actuels. Concrètement, par exemple, les élèves SEGPA n’auront plus d’EPS ou d’anglais et devront être regroupés dans des classes de plus de 30 élèves, à charge des enseignants de gérer… Pire, ils vont perdre les heures d’espagnol. Nous aurons un collège REP qui accueille une SEGPA, des élève ULIS, un réfugié ukrainien et qui ne peut proposer qu’une seule langue vivante, l’anglais, à ses élèves. Quand on sait l’importance des langues si on veut rejoindre un autre lycée que celui de son secteur, on n’offre peu de perspectives à ces collégiens.

Autre exemple, au collège REP Jean-Baptiste Clément à Colombes, on perd 70 h pour une prévision de 40 élèves en moins, c’est disproportionné. Les élèves de 6ème devront être à 27 par classe alors que l’IPS de l’établissement est faible.

Et encore : au collège Gay-Lussac de Colombes, qui n’est pas classé en REP mais qui devrait l’être, tant son IPS est faible, en 2 ans, alors que les effectifs sont stables voire en légère hausse, c’est un nombre d’heures d’enseignement correspondant aux cours de deux classes que l’on a retiré à ce collège ! Ils ont donc le choix entre fermer ces deux classes (et donc augmenter le nombre d’élèves par classe jusqu’à 31) ou supprimer des heures d’enseignement, c’est-à-dire :

  • Supprimer les demi-groupe en Français, Mathématiques, Physique, S.V.T., Anglais, Histoire-Géographie ;
  • Suppression des options Latin, Grec, LCE, Chorale ;
  • Suppression de Dispositifs anti-décrochage, de l’aide aux UPE2A pour les élèves non francophones, de l’Heure de vie de classe en 6ème et en 3èmes + orientation.

Et encore un dernier exemple : au collège REP Moulin-Joly de Colombes, pour six élèves en moins – toujours selon vos prévisions – c’est 45 h retirées ! Vous connaissez un peu ce collège. Nous leurs avions remis les diplômes du Brevet ensemble. Ces collégiens font partie des milieux les plus défavorisés. Vous avez vu leurs parents et quelques-uns de leurs professeurs, toujours investis pour leurs élèves.

Je vous sais intelligent M. Fulgence, vous savez comme moi que dans les réseaux d’éducation prioritaire les enseignants sont souvent le seul contact que les parents ont, avec les institutions. Quand ils ont un souci, ce sont d’abord vers les enseignants qu’il se tournent, parce qu’ils ont confiance en eux. Ce n’est pas un hasard si nombre d’élus à Colombes, par exemple, sont enseignants.

Ce dernier lien, si fragile, qui existe entre les institutions et ces populations, vous le fragilisez années après années en diminuant les DHG des collèges REP et REP+, et je parle ici de tous les collèges du département. Ce lien, vous le détricotez parce que, des classes surchargées et des dédoublements en moins, ce sont des contacts privilégiés avec les élèves en moins. C’est aussi un suivi moindre. Vous le savez, les travaux pratiques, les expériences en sciences, qui ne peuvent se faire que de manière dédoublée, c’est ce que les élèves retiennent le plus ! Les élèves aiment mettre la main à la pâte, surtout en sciences, pour apprendre, et ça fonctionne.

Mais cela aussi vous leur enlevez… Et c’est pareil pour tous les dispositifs que mettent en place les enseignants avec la marge qualitative. Vous fragilisez aussi ce lien parce que vous fragilisez des enseignants déjà sous-payés à qui l’Education Nationale augmente, encore, la charge de travail, sans contrepartie.

Aujourd’hui nombre de remplaçants recrutés à la va-vite découvrent leur fiche de paye et le travail que cela exige au vu de leur diplôme… et abandonnent. Les professeurs ne peuvent plus être remplacés, faute de remplaçants. Et les titulaires risquent de se mettre en grève, ce qui va impacter tous les collégiens du département. Et pourtant on ne pourra pas le reprocher aux enseignants qui veulent juste défendre un service public viable (je ne parle même plus de qualité).

Je vous l’ai dit, M. le Directeur académique je suis perplexe car je sais que, tous ici, nous voulons la même chose, une offre éducative enrichissante pour nos élèves. Vous savez que ce sont surtout les enseignants dévoués qui tiennent à bout de bras l’éducation nationale. Tous les discours vantent l’importance des enseignants en insistant sur le fait qu’il faut rendre le métier plus attractif et donner plus d’autonomie aux établissements.

En baissant la DHG des collèges, notamment ceux avec un IPS faible, vous affaiblissez les enseignants dans leur travail, vous empêchez toute autonomie sur les choix pédagogiques de répartition de la DHG, vous affaiblissez le lien qui unit les populations fragiles avec nos institutions, et vous rompez le pacte républicain d’égalité des chances. C’est un élu local qui vous le dit parce que c’est aussi ce que ressentent les parents d’élèves représentants.

Tout ce que les enseignants demandent, c’est de la continuité et de la confiance. Pour cela il faudrait maintenir les DHG au moins au niveau de celles de l’an dernier, pour tous les collèges du Département qui le souhaitent. Faites confiance aux enseignants, écoutez-les, voyez loin. Donner des heures aux établissements pour mieux adapter leur enseignement. Ce n’est pas une dépense en plus, mais un investissement sur nos enfants, et sur l’avenir.

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