A propos du schéma directeur des réseaux de chaleur urbains des Hauts-De-Seine
Intervention de Dominique Trichet-Allaire lors de la séance plénière du Conseil départemental du 17 octobre 2025.
M. Le président, chers collègues,
Cette délibération est très complète et apporte une vsion pédagogique malgré les aspects techniques. Je tiens à remercier les services pour ce travail. Elle présente une proposition d’organisation de l’exploitation de la géothermie sur notre territoire. En tant qu’élu.es portant depuis … très longtemps un projet de société écologique, nous soutenons bien évidemment toute politique structurant, accompagnant le développement d’énergies renouvelables.
La géothermie qui utilise la chaleur de l’eau située sous nos pieds, cette eau qui date de la préhistoire, permet d’alimenter nos réseaux de chauffage. Voici donc une énergie complètement écologique puisque que l’eau est réinjectée au sein de la même gélule, située à cette strate géologique appelé Dogger à environ 2 km. C’est une énergie dont nous maitrisons le coût, ce qui est un très fort avantage dans la période d’instabilité que nous vivons, où nous avons pu voir il y a quelques années une flambée des coûts du gaz consécutive de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. De l’intérêt de développer une autonomie énergétique afin de ne plus dépendre d’états autoritaires, anti-démocratiques, voire fascisants. De l’intérêt aussi de ne pas dépendre d’énergies fossiles que nous importons. Sans compter que c’est une technologie que nous maîtrisons très bien puisqu’elle est développée depuis près de 50 ans en région parisienne.
Il faut juste bien s’entendre sur la manière d’exploiter cette eau chaude, d’où ce schéma directeur des réseaux de chaleurs, tout-à-fait bienvenu. Bienvenu mais qui interroge sur plusieurs points.
Très concrètement, tout d’abord, au niveau de Montrouge, une desvilles ducanton où je suis élue (avec Malakoff), il est évoqué un besoin de territoire de 94 Gwh, ce qui est très surprenant, cette estimation semble surévaluée. Serait-il possible d’avoir le détail pour mieux comprendre ce chiffre ?
Sur Châtillon, le document ne prend pas en référence de base le projet du nouveau doublet, les doubles puits permettant d’aller chercher l’eau chaude. Le doublet est bien cité mais pas pris en compte en référence de base. Donc petite alerte.
Je suis un peu étonnée de la présentation du projet d’Issy-Vanves qui à ce jour, est a priori sans terrain de forage identifié et dont la viabilité économique n’est pas acquise (avec un besoin de 80GWh pour 20 km !). Mais peut-être que certains éléments me manquent.
Enfin, sur Gennevilliers, aucune gélule n’est identifiée pour un éventuel passage du réseau biomasse à la géothermie. C’est bien dommage.
Mais au-delà de ces points d’attention en lien direct avec nos villes, et au-delà du schéma directeur, si nous voulons développer la géothermie de façon conséquente et sur le long terme, nous devons avoir l’ambition d’aller chercher l’eau au Trias, soit une strate géologique plus profonde, où se situe une eau beaucoup plus chaude.
Alors pourquoi ?
Permettez-moi cette information préalable, lié à la fiscalité : nous avons une politique fiscale qui encourage la fourniture d’énergies renouvelables tel que la géothermie, avec une TVA réduite à 5,5%.
La chaleur de l’eau que l’on va chercher actuellement au dogger est de 60°C. Or pour le système de chauffage efficient, l’eau doit être à 80°C. Aussi on la réchauffe avant de l’injecter dans les réseaux de chauffage, avec du gaz. Mais qui ne bénéficie pas du taux de TVA réduit, puisque ce n’est pas une énergie renouvelable ! Tant que la proportion de gaz est inférieure à 50% de la fourniture de l’énergie (géothermie + gaz), le taux de TVA réduit est toujours appliqué, sur l’ensemble de la chaleur fournie. C’est la loi qui fixe cette limite de 50%.
Cependant un projet de géothermie est un projet sur plusieurs dizaines d’année, et sa rentabilité est calculé sur ce temps.
Comment être sûr que d’ici 20 ans – 30 ans, ce taux de 50% reste le même ? Il suffit qu’il y ait un projet de loi de finances dans les 30 ans à venir qui décide d’appliquer le taux de TVA à 5,5% seulement si la proportion d’énergie renouvelable (issu de la géothermie) est de 60% minimum pour mettre en danger l’équilibre financier de nos projets.
Or l’écologie subit un véritable backlash en ce moment, une telle décision pourrait être prise, d’autant plus en période de crise budgétaire. Pour rappel, le budget de l’Ademe a été drastiquement diminué ces derniers temps.
Nous ne pouvons pas agir sur les lois de finances à venir. Par contre, ce que nous pouvons faire, c’est aller chercher une eau plus efficace, plus performante : plus chaude avec un meilleur débit. C’est l’eau de la strate géologique du Trias.
Le département a cette force de frappe, il serait intéressant que le département envisage un projet de géothermie plus ambitieux au trias. En effet, que la délibération le dit très bien ; la strate du dogger sur l’ouest de Paris apporte une eau moins chaude qu’à l’est. La géothermie, c’est comme au poker, il faut payer pour voir. Cela n’a jamais été fait, aussi on peut comprendre que les villes n’aillent pas s’aventurer dans un tel projet, elles n’ont pas les reins assez solides.
Mais le département, lui pourrait. Imaginez que nous trouvions une eau beaucoup plus chaude, notre potentiel énergétique se démultiplierait !
Aussi j’invite très sérieusement le département et la SEM énergie 92 à envisager une telle expérimentation.
Je vous remercie.
