Le SNU ne rend service à personne, notre département serait bien avisé de ne pas le cautionner
Intervention en séance de Najib Benarafa à propos de l’accueil des volontaires du Service National Universel au sein des services du département, lors de la séance plénière du 7 juillet 2023.
Monsieur le Président, chers collègues,
Que le Département accueille des jeunes qui souhaitent réaliser une mission d’intérêt général, sur le principe, il n’y a pas d’ambiguïté, et notre groupe est toujours pour que notre collectivité ouvre ses portes au jeune public.
En revanche le cadre du Service National Universel, tel qu’il est proposé, nous pose question.
Comme vous le savez, la nouvelle version du SNU comprend un séjour de cohésion de 12 jours pour les élèves de seconde, dès septembre, et sur les heures de cours. Annonce qui a été faite sans concertation avec les représentants de l’Education Nationale ni des parents d’élèves, et sans vote au Parlement. Ce séjour de cohésion sur le temps scolaire se fera soit sous la forme du volontariat individuel, soit sous la forme de volontariat collectif, si un groupe classe propose un projet, accompagné de son professeur. Autrement dit les élèves de seconde vont perdre deux semaines de cours et si un professeur part pour les encadrer en coopération – avec des militaires à la retraite comme cela est préconisé – cela signifie que les autres élèves de lycée (donc de première ou de terminale car un professeur n’a pas que des classes de seconde) vont se retrouver aussi sans enseignant.
Et ce n’est pas parce que leurs heures de mathématiques seront remplacé grâce au fameux « Pacte enseignant » par un professeur d’espagnol que ces absences seront compensées dans le programme.
A cela s’ajoute une impréparation totale du SNU en termes d’encadrants : il en faudrait au minimum 15 000 si cela se fait sur le temps scolaire et le double en dehors des temps scolaires (alors que tout le monde sait que l’on a déjà du mal à recruter). En termes de logements aussi, rien n’est encore anticipé. Les organisateurs du SNU ont déjà eu du mal l’an dernier avec 23 000 adolescents à qui il fallait des lieux d’accueil adaptés… Imaginez avec 3 ou 4 fois plus pour la rentrée prochaine, voire à terme 840 000 enfants d’une classe d’âge à loger en même temps ?!
En plus, tout cela à un coût, estimé selon un rapport du Sénat (que je vous invite à lire) à 3 milliards d’Euros par an, car il faut aussi prendre en compte la logistique de transport, d’encadrement et de gestion. 3 milliards d’euros pour douze jours quand on a eu du mal à trouver 1,9 milliards d’euros pour revaloriser les enseignants de 5%.
On nous dit qu’un des principaux objectifs du SNU est de faire vivre les valeurs républicaines; mais c’est déjà le rôle de l’école que de renforcer la cohésion nationale par la mixité territoriale ! Cependant il est prévu que les élèves partent… mais tout en restant dans leur région pour limiter la dépense publique, et maintenant tout en restant avec leur classe. On ne voit donc pas comment cela va favoriser la mixité sociale.
Quant à l’objectif de favoriser l’engagement par ce dispositif, il nous paraît bien mal adapté. Quand l’inscription au SNU est valorisée sur Parcoursup par rapport à d’autres élèves en concurrence, cela favorise en fait l’inscription au SNU par simple calcul. Au contraire, l’engagement est quelque chose qui se construit, dans la durée, dans des associations, au sein de son établissement en tant qu’éco-délégué ou dans la Maison des lycéens… pas lors d’un séjour d’intégration ou d’un stage d’observation de huit jours.
En réalité ce SNU nouvelle version a été conçu avec le même manque d’évaluation et de concertation que l’actuelle réforme du lycée qui a été remaniée chaque année au détriment des enseignants, des élèves, de la formation au supérieur, ainsi qu’avec une grande illisibilité pour les parents et le grand public. Avec, probablement de lourdes conséquences sur la valeur du Bac général et la qualité de la formation.
Les recommandations du rapport du Sénat par rapport au SNU 2023 sont claires et étayées : il faut surseoir au projet de généralisation du séjour de cohésion et supprimer la phase 2 du service national universel, « la mission d’intérêt général ».
Ce SNU apparaît donc clairement comme une usine à gaz car coûteuse, mal pensée, mal organisée et dont les bénéfices semblent difficiles à évaluer quand on sait que les élèves vont perdre encore des heures de cours. Sans compter que le SNU est une forme de désavoeu sur le rôle de l’école publique.
Pour toutes ces raisons nous pensons que notre collectivité serait bien inspirée de ne pas cautionner ce SNU qui ne rend service à personne. C’est pourquoi notre groupe votera contre.