Budget primitif 2025 : un contexte instable qui impacte le modèle de financement des départements

Intervention de Joaquim Timoteo lors de la séance plénière du Conseil départemental du vendredi 11 avril 2025.

Monsieur le Président, Chers collègues,

Je crois que nous sommes pleinement sensibilisés au contexte d’instabilité auquel les collectivités locales ont à faire face et qui impacte leur modèle de financement. Nous l’évoquions déjà tout à l’heure au Compte administratif, la non-compensation par l’Etat des aides individuelles, la dégradation du marché immobilier et le dynamisme ralenti de celui des biens et services via la TVA, rabotent les recettes attendues des Départements.

Je sais que nous partageons les grandes lignes de cette analyse – même si nous divergeons sur l’appréciation de l’importance des mécanismes de péréquation. En réalité la difficulté ce n’est pas tant la péréquation que le fait que nous n’ayons plus de pouvoir de taux puisqu’il n’y a plus de fiscalité directe pour notre collectivité et donc plus de capacité à maîtriser une partie de nos recettes via l’impôt.

Et ce, alors même que les besoins de protection et d’accompagnement de nos habitants augmentent, alors même que la fragilisation de la population, voire la paupérisation et l’exclusion d’une partie d’entre elle, appelle l’intervention de la puissance publique à tous les niveaux territoriaux.

Dans ce contexte incertain, se pose donc le choix des priorités qui seront à faire pour conduire les politiques dont ont besoin les Alto-séquanaises et Alto-séquanais.

Que nous dit donc ce projet de budget qui est sensiblement le même que l’an dernier…

Malgré ce contexte difficile, les recettes réelles de fonctionnement resteront à un niveau quasi identique à celui de l’an dernier, c’est-à-dire aux alentours de 1,643 Milliard€ alors que les dépenses réelles de fonctionnement sont attendues à hauteur de 1,672 Milliard€, soit un delta de 29M€.

62% des dépenses de fonctionnement sont fléchés vers l’action sociale et l’aide sociale, plus du 1/3 étant consacré au financement des allocations individuelles de solidarité dont on se demande d’ailleurs si leur revalorisation sera pleinement assurée puisque j’ai cru comprendre que les Hauts-de-Seine faisaient partie de la liste des départements de droite et du centre qui ont annoncé qu’ils n’appliqueraient pas l’augmentation de 1,7% du Revenu de solidarité active (RSA) prévue au 1er avril.

A regarder de plus près les dépenses pour les différents parcours de l’action sociale, finalement c’est un peu une question de vases communicants entre hausse et baisse des budgets.

Les parcours dont les financements baissent (par rapport au CA 2024) :

Parcours « petite enfance » avec 12,9M€ au BP contre 19M€ au CA2024 , certes on peut comprendre la baisse annoncée à destination des crèches au regard du processus de municipalisation engagé. Cela ne veut pas dire que les besoins de place en crèche sont moindres au contraire et je continue de regretter que le Département se désengage à bas bruit de cette compétence.

On comprend moins bien en revanche la baisse de 1 M€ pour l’allocation BebeDom (3,6M€ au BP contre 4,7M€ au CA24). Ceci est motivé dans le rapport par la baisse des naissances qui est, certes, réelle en France. En revanche dans les Hauts de Seine, les naissances ont en réalité augmenté entre 2023 et 2024 !! (passant de 19600 à 19800)

Financement en baisse également pour les PMI, c’est un peu dommage quand on sait qu’en Île-de-France, les indicateurs en périnatalité (au-delà de la mortalité infantile) sont plus dégradés que la moyenne nationale avec des inégalités interdépartementales marquées. Et quand on sait le rôle que peuvent jouer justement ces structures dans la prévention de la mortalité infantile par exemple, on ne peut que regretter ce soutien en baisse.

En baisse également, le parcours « protection de l’enfance ». Avec 243M€ ce parcours est annoncé avec 9% d’augmentation par rapport au BP2024 mais en réalité en 2024 ce sont plus de 247M€ qui ont été engagés pour la protection de l’enfance. C’est donc bien une baisse de 4M€ qui est prévue. On sait que ce secteur est en crise profonde, et il mérite que l’on maintienne les crédits en sa faveur alors même que l’Etat s’est désengagé financièrement de la protection de l’enfance au fil des ans.

Un effort mieux identifié notamment à destination des jeunes majeurs de l’ASE aurait été un plus dans ce budget mais je n’ai rien trouvé en ce sens.

Les parcours dont les financements augmentent (par rapport au CA 2024) :

Le parcours « Bénéficiaires RSA » : la hausse n’est pas due à une prédiction de l’augmentation du nombre des bénéficiaires, comme dans le BP 2024 mais pour une fois c’est le budget l’accompagnement qui augmenté (on passe de 6,2 M€ réalisés au CA2024 à 8,1 M€ dans ce BP2025).

Le budget fléché vers le parcours « Seniors » est également en hausse du fait notamment de l’augmentation du volume des allocations. On aurait aimé que le maintien à domicile qui constitue normalement un axe important de la politique départementale s’accompagne également d’un effort notable pour l’adaptation des logements. Or celui-ci reste encore trop symbolique au regard de l’évolution des logements qui doivent être accompagnés. Toujours sur cette question du logement, on aurait aimé aussi trouver quelques éléments pour favoriser une offre adaptée tel que le soutien aux résidences autonomie ou au développement de logement intergénérationnel qui sont aussi des pistes pour le « mieux vieillir chez soi ».

Pour finir sur les aides sociales, un mot sur le parcours ciblant les « publics fragilisés ». Les crédits ouverts sont globalement en hausse sauf pour une des actions : l’aide aux victimes et à la lutte contre les violences faites aux femmes pour laquelle 2,2M€ ont été engagés en 2024 , n’aura plus qu’1,8M€ en 2025. C’est symboliquement dommageable alors que les actions conduites en la matière s’inscrivaient plutôt dans une politique volontariste que nous avons par ailleurs saluée.

Pour ces publics fragilisés , je rappelle qu’ils sont la cible du contrat départemental des solidarités. Un contrat qui prévoit justement un soutien aux actions de lutte contre la précarité alimentaire en faveur du « mieux manger pour tous ». Dommage toutefois que cette question de l’alimentation soit totalement absente dans ce budget primitif (est elle à peiner effleurer avec la restauration scolaire) ; cela devrait pourtant être un axe majeur de notre action de transition écologique pouvant s’appuyer sur un véritable projet alimentaire territorial. Nous pourrions d’ailleurs nous appuyer sur ce point sur la grande qualité du diagnostic alimentaire territorial réalisé à l’automne dernier dans le cadre de notre coopération avec le Cambodge – il faut nous appuyer sur ce type d’initiative pour faire de l’alimentation un moteur de notre action.

Si l’on poursuit l’analyse du budget sur d’autres dépenses telles que par exemple l’enseignement, je note que le budget de fonctionnement des collèges sera en baisse de près de 4M€. Des économies substantielles vont être faites sur la ligne des fluides (comme pour d’autres bâtiments également) ; en revanche on s’étonne du doublement des dépenses liées à l’entretien et à la maintenance (avec plus de 13M€ soit environ 40% du budget total alloué au fonctionnement des collèges.


Du côté de la section d’investissement, ce sont près de 550M€ qui sont prévus, un niveau proche de 2023, avec une nouvelle fois un appel à l’emprunt 432 M€ pour les financer.

On s’approche donc du Milliard€ d’emprunt cumulé en fin d’année si l’autorisation d’emprunt prévue était totalement utilisée.

On a aujourd’hui une encours de dette par habitant de 355€ , il faudrait veiller à ce que ce taux n’explose pas dans les années à venir.

Enfin pour finir, un mot rapide sur le budget vert annexé :

Pas besoin de trop s’étendre car nous savons pour le moment que la mesure est assez imparfaite.

Un constat néanmoins : celui d’investissements cette année globalement moins favorables que l’an passé, puisque les dépenses en investissement dites « favorables » représentant 34% des investissements totaux ; c’était 45% au BP2024.

Attention donc à l’impact de nos investissements – en temps de crise, on peut être tenté de mettre nos efforts de transition écologique de côté mais il faut savoir tenir le cap et ne pas acter ce type de recul.

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