Avis sur le Schéma Régional de l’Habitat et de l’Hébergement (SRHH) 2024-2030
Intervention de Joaquim Timoteo sur le rapport 24.49, lors de la commission permanente du lundi 11 mars 2024.
Le cadre du SRHH
Le projet de Schéma Régional de l’Habitat et de l’Hébergement (SRHH) fixe pour 6 ans les grandes orientations de la politique régionale de l’hébergement et de l’accès au logement, en déterminant les objectifs en matière de construction de logements et de lutte contre l’habitat indigne. Il s’agit du deuxième schéma régional de l’habitat et de l’hébergement ; le premier ayant couvert également une période de six ans (2017-2023).
C’est un document important car il impose une déclinaison en compatibilité à plusieurs autres documents réglementaires de planification, tels que le schéma de cohérence territoriale (SCOT) métropolitain, le futur Plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement (PMHH), les programmes locaux de l’habitat (PLH), les plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi) ou encore les plans départementaux d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD).
A l’inverse, le SRHH doit être conforme avec le Schéma directeur de la région Ile-de-France environnemental (SDRIF-E) en cours d’adoption et pour lequel un avis nous a déjà été demandé. Nous constatons d’ailleurs quelques différences d’envergure entre ces 2 schémas.
Remarques liminaires
Le préambule du projet de révision évoque des objectifs généraux qui doivent « conduire à améliorer les conditions d’habitat et le cadre de vie des personnes vivant ou souhaitant s’installer en Île- de- France, à recréer de la fluidité dans les parcours résidentiels et à réduire les déséquilibres territoriaux ». Autant d’objectifs auxquels nous souscrivons pleinement.
Tout en s’inscrivant dans les orientations du précédent schéma, ce projet de révision traduit une prise en considération renforcée des enjeux environnementaux (sobriété foncière et rénovation énergétique des logements) et des défis liés à l’adaptation des logements, notamment au regard du vieillissement de la population. Toutes ces évolutions sont à saluer.
Un objectif de production maintenu à 70 000 logements
Le premier axe stratégique, celui du développement de la production de logements, se décline selon les territoires avec le développement de l’offre de logement en général (construction neuve par exemple) et la production de logements sociaux.
La situation du logement en Ile-de-France est critique. Des loyers extrêmement élevés, un nombre important de demandeurs de logements sociaux, 2,7 millions de Franciliens en situation de suroccupation, 140 000 ménages qui vivent dans un logement du parc privé potentiellement indigne, etc. Tous ces indicateurs démontrent aujourd’hui la complexité pour se loger dignement en Ile-de-France et la dégradation du cadre et de la qualité de vie offerts aujourd’hui aux Franciliens et aux Franciliennes. Des éléments que nous avions déjà évoqués pour le SDRIF-E.
Le projet de SRHH fait donc le choix de renouveler l‘objectif de construction de 70000 logements par an en Ile-de-France pour la période 2024-2030.
C’est un objectif ambitieux qui vise 3 enjeux avec l’objectif de construction de :
- 28 000 logements par an pour répondre aux besoins de loger les nouveaux ménages franciliens qu’ils soient issus de la décohabitation ou qu’ils arrivent de l’extérieur de la région
- 25 000 logements par an pour lutter contre le mal logement et la suroccupation et rattraper le déficit de construction abordable
- 17 000 logements par an pour compensation des démolitions, fusions ou changements d’usage
Les plus grosses contributions sont attendues de la part des Hauts-de-Seine (12065/an), suivi de la Seine-Saint-Denis (11430) et du Val-de-Marne (10 260).
Le SRHH affiche une volonté de rééquilibrage territorial que nous pouvons que soutenir, alors que le SDRIF-E fait le constat, selon nous erroné, que ce rééquilibrage a déjà été fait à l’échelle de la région. On verra à l’avenir comment se gérera la compatibilité entre ces 2 documents…
Ceci dit, au-delà des enjeux de construction, et à l’heure de la transition écologique, il est aussi nécessaire de réfléchir aux leviers disponibles pour reconquérir le bâti existant et lutter contre la vacance, notamment sur nos territoires où le foncier est rare. En Île-de-France, près de 400 000 logements sont vacants. Paris et les Hauts-de-Seine concentrent à eux seuls 43 % des logements vacants de la région. Le nombre de logements vacants au sein de la région augmente depuis dix ans, à une vitesse plus grande que l’ensemble du parc.
À Paris, la vacance concerne 8,5 % du parc, un niveau supérieur aux moyennes régionale et nationale. Dans les Hauts-de-Seine, la vacance s’établit à 6,5 % du parc de logements. Elle y est notamment plus forte dans les établissements publics territoriaux de Paris Ouest La Défense (7,3 %) et Boucle Nord de Seine (7,1 %).
Le logement social
Au regard des tensions actuelles sur le marché de l’habitat et de l’intensification de la précarité renforcée par l’augmentation du coût de la vie ces dernières années, on assiste à un décrochage important entre les revenus des ménages et les loyers demandés dans le parc locatif privé. Dans ce contexte, la création de logements locatifs sociaux (LLS) n’a jamais été aussi indispensable. Alors que le parc francilien de logement social est sous pression avec une moyenne de 10,4 demandes pour une attribution sur l’année 2022 dans la région. Il est évident que le non-respect des objectifs du précédent SRHH demandant une production annuelle entre 32 000 et 37 000 logements sociaux, est en partie responsable de cette tension. En effet, en moyenne sur la période 2018-2022, seuls 24500 logements locatifs sociaux ont été agréés chaque année.
Le SRHH propose de ne pas faiblir et de maintenir les objectifs de production à des niveaux équivalents, de l’ordre de 31 500 à 38 500 LLS chaque année, avec une contribution de 6300 à 7700 LLS pour les Hauts-de-Seine.
De notre point de vue, c’est une bonne chose. En effet, seule une production élevée de Logements Locatifs Sociaux permettra de détendre véritablement le marché de l’immobilier. De votre côté, vous en déduisez que les ambitions du SRHH sont « irréalistes » et « dénuées de lien avec les capacités productives » de notre département. Mais tout ceci n’est pas que question de « capacités productives » c’est aussi une question de volonté politique qui reste inégalement portée dans les communes de notre Département (dont un quart d’entre elles -dont la mienne Montrouge- reste durablement carencée). Un rééquilibrage régional de l’offre sociale est indispensable.
On peut d’ailleurs se féliciter sur ce point de la non-prise en compte du dispositif « antighetto » prévu par la Région Île-de-France au sein du SDRIF-E. En effet, sous un prétexte de « mixité sociale », cette disposition, qui exclut le subventionnement de la construction de logements PLAI et PLUS dans les communes ayant déjà plus de 30% de LLS, aurait empêché la construction d’un logement social sur cinq sur la période 2018-2022. Nous l’avions rappelé lors de l’avis sur le SDRIF-E.
Or, ce que propose le SRHH, c’est bien l’augmentation de la part des PLAI dans la production de logements sociaux, avec un objectif de 35%. Démarche que nous saluons là aussi.
Car ces mesures de restriction du soutien au financement inscrites dans le SFRIF-E et appliquée par notre Département ne sont pas de nature à lutter contre la concentration des poches de pauvreté, comme il est écrit dans le rapport. Elles participent au contraire à leur manière à l’entretien de certains « ghettos de riches », çà c’est certain !
L’hébergement
Sur cette question, il y a aussi urgence à corriger les déséquilibres territoriaux et l’inégale répartition de l’hébergement d’urgence. Actuellement, près des deux tiers de l’offre d’hébergement (65 %) au sein de la Métropole du Grand Paris se concentre à Paris et en Seine-Saint-Denis. Le rééquilibrage territorial constitue là aussi un enjeu majeur. Je rappelle que dans notre Département le nombre de places d’hébergement généraliste (CHU, CHRS hors hôtel) est de 2,2 places pour 1000 habitants alors qu’il dépasse les 3 places/1000 hab (3.3/°° en SSD , 3,8/°° en VDM) les 7,6/°° à Paris.
L’ensemble des territoires franciliens doit participer activement à la construction de logements sociaux et d’infrastructures d’hébergement.
Une mobilisation des outils de l’urbanisme pour lutter contre la spéculation foncière
Réduire la tension sur le marché du logement et permettre à tous et toutes de se loger nécessite de réguler le parc de logements privés pour faire baisser son coût. A cet égard, nous saluons l’objectif présent dans le SRHH de réduire le nombre de logements dont le niveau de loyer ne respecte pas le dispositif d’encadrement des loyers.
Concernant cette fois-ci le logement social, nous adhérons également à la demande du SRHH de favoriser l’implantation de logement sociaux et notamment de PLAI et PLAI adapté ainsi que les produits à destination de publics spécifiques (résidences sociales, pensions de familles, foyers de jeunes travailleurs, etc.), au sein des nouveaux quartiers de gare du Grand Paris Express et plus largement dans les quartiers franciliens situés à proximité des transports en commun.
Ainsi, il pourrait être utile d’inscrire l’obligation pour les aménageurs de ces quartiers de gare de contribuer prioritairement à l’atteinte des objectifs de construction de logements sociaux des territoires d’implantation.
Le manque de soutien de l’État : un problème récurrent pour les collectivités.
Pour finir, nous rejoignons néanmoins une de vos réserves. Il s’agit de la mise en place opérationnelle de ces orientations dans un contexte de baisse de ressources des collectivités, en particulier des DMTO. Des précisions salutaires pourraient être faites ainsi sur les pilotages et les moyens concrets. Cela comprend la part de financement que l’État compte prendre en charge ainsi que celles dévolues aux différents échelons territoriaux
L’une des recommandations de la synthèse de l’évaluation du SRHH 2017 était « d’accorder une place accrue au sein du document aux conditions de mise en œuvre, aux instances de dialogue et acteurs jouant le rôle de relais ou de « porte d’entrée » sur certaines thématiques » – c’est en partie respecté mais pas encore optimal.
Au regard donc de tous ces points, notre groupe émet un avis favorable sur ce SRHH 2024-2030, même si quelques réserves pourraient être identifiées.
Nous ne voterons donc contre l’avis du Département qui émet un point de vue contraire.
Ressources :