Restauration scolaire des collèges publics – Rapports annuels des concessionnaires – 2022-2023
Intervention de Najib Benarafa lors de la séance publique du Conseil départemental des Hauts-de-Seine du 20 décembre 2024.
Monsieur le Président, chers collègues,
Les contrats de concession pour la gestion et l’exploitation des services de la restauration scolaire ont été conclus pour une durée de quatre années, et arriveront à échéance juste avant la rentrée scolaire 2026-2027. Ce rapport est donc l’occasion d’avoir un débat de fond sur le bilan de ces 3 premières années, et les perspectives envisagées.
De mauvaises performances
Au niveau économique, si j’en crois les chiffres, la cantine ne semble pas pour l’instant rentable pour les prestataires privés, elle ne l’est pas non plus pour le Département, mais ce n’est pas le but, et pourtant elle reste difficile à payer pour un nombre croissant de familles si on en croit le nombre d’impayés qui a augmenté. Le Département a pris sa part, pour permettre aux enfants des familles les plus défavorisées de se nourrir, mais jusqu’à quand ?
J’imagine que ce sont ces résultats déficitaires qui vous ont poussé à augmenter le tarif des cantines de 30% des familles les plus aisées. Mais ce n’est pas un modèle viable car les denrées vont être plus en plus coûteuses avec un climat qui alterne les périodes de sécheresse et les périodes d’inondations, et on ne pourra pas éternellement augmenter les tarifs, surtout si les salaires des familles stagnent.
Au niveau de la satisfaction, il y a beaucoup de disparités qui dépendent d’abord du mode de production des repas, qui dépendent aussi du prestataire, voire même localement, du gestionnaire restauration de chaque collège.
Recrutement et gaspillage alimentaire
Mais nous pouvons faire un constat : un prestataire qui n’a pas assez recruté ou qui a mal recruté, ou dont le personnel est beaucoup plus absent que la moyenne, comme c’est le cas d’Elior, ne peut pas remplir ses objectifs !
Il y a eu de gros problèmes de recrutement par les prestataires au début de mandat. Cette problématique s’observe encore dans certains collèges où le nombre de repas est moins bien anticipé : les enfants ne mangent pas assez et, comble de tout cela, le gaspillage est immense.
Le rapport semble se satisfaire d’un gaspillage entre 95 et 145 g par repas en se basant sur le fait que la moyenne nationale se situe entre 100 et 170 g.
Je suis désolé ces chiffres donnés pas le rapport des prestataires est faux : la moyenne du gaspillage en restauration collective peut effectivement monter jusqu’à 170g/repas en restauration collective mais pour les EPAHD.
Pour ce qui est de la restauration scolaire et particulièrement en collège le gaspillage est de 100g par repas d’après les chiffres de l’Ademe. Donc sur ces données ils n’ont pas été honnêtes.
Donc avoir un gaspillage de 95g à 145g par repas pour les collèges du département n’est pas un bon résultat, et au bout du compte ça fait 344 tonnes de déchets/an. Dans mon établissement scolaire à Colombes, le gaspillage varie de 30g à 70g seulement par assiette ! Mais dans cet établissement les déchets alimentaires sont compostés sur place ce qui sensibilise beaucoup les élèves au tri et au gaspillage alimentaire. Vous n’avez pas choisi de composter les déchets sur place, le département paye donc en plus le prestataire pour qu’il gère les déchets et les valorise, ailleurs, à son profit. Donc il a tout intérêt à ce qu’il y ait beaucoup de gaspillage alimentaire.
Bref, ce n’est ni économique pour le département, ni écologique car cela nécessite des transports en plus, ni pédagogique parce que ce compost pourrait servir à l’entretien de la végétation des cours de collège en nourrissant des sols de plus en plus appauvris. Pour votre information il faut entre 100 et 1000 ans pour constituer 1 cm de sol cultivable.
Selon les mêmes chiffres de l’Ademe, le gaspillage est moins élevé lorsqu’il y a une cuisine sur place. Les repas produits sur site dans les 11 collèges du département ont d’ailleurs de très bons retours, signe que le choix d’investir dans la construction de nouvelles cuisines dans de nombreux collèges est un bon investissement. Seul regret, Beaucoup de collèges n’en bénéficieront pas, par manque d’espace. Je trouve ce renoncement dommageable. C’est justement au Département de chercher à créer ces espaces. Quand on veut faire passer une route ou un tramway dans une ville on trouve toujours de l’espace, pourquoi ce ne serait pas possible pour une cuisine dans un collège?
Plus de bio et de produits locaux
Pour ce qui est de la Loi EGALIM, qui déjà n’était pas très ambitieuse avec seulement 20% de produits Bio et 20% de produits locaux, les objectifs, s’ils sont à peine atteints pour le Bio, et encore pas pour Elior, ne le sont pas pour les produits locaux.
Le but de cette loi était d’encourager une agriculture plus respectueuse de l’environnement et de la santé tout en permettant d’avoir des revenus équitables pour les paysans. Avec le temps cette loi EGALIM aurait dû relever progressivement ses exigences en BIO et en Locavore chaque année pour que l’on puisse faire une transition, sans brusquer, et tendre vers une agriculture écologique.
On peut toujours se satisfaire de 27% de produits Bio dans certains lots, mais cela signifie que l’on continue de servir aux enfants 73% d’aliments sur lesquels sont présents des résidus de pesticides cancérigènes, de perturbateurs endocriniens, en plus des microplastiques qui sont partout. Si, nous collectivité qui avons les moyens, ne sommes pas exigeant sur cela, qui le fera ?
Est-ce que ça coûte plus cher ? Non, il suffit d’être mieux organisés.
Pour ce qui est des produits de moins de 150km, nous avons atteint le plafond de verre de 15% avec ces 2 prestataires Sodexo et Elior qui n’ont pas pour ambition de faire mieux.
Avec 35 % des repas servis végétariens, le département a probablement un bien meilleur impact carbone qu’auparavant mais dans le rapport on souligne que le gaspillage alimentaire concerne fréquemment les repas végétariens qui sont la seule alternative en fin de service. Ça veut dire que l’éducation au goût n’est pas encore bien faite. Je sais que des prestataires comme la Sodexo proposent de bonne formations à leurs cuisiniers pour concocter des recettes végétariennes de qualité, c’est une piste qu’il faudrait encourager, si vous souhaitez garder ces prestataires.
Dans ce bilan de nos prestataires il n’y a rien sur l’empreinte carbone des aliments servis !!!
On a les coûts, la satisfaction, l’absentéisme, la qualité microbiologique, le % de respect de la loi Egalim et les chiffres obligatoires du gaspillage mais on a rien sur l’empreinte Carbone.
C’est simplement honteux quand on sait que l’alimentation représente un quart de l’empreinte carbone des français.
Nos prestataires nous ont donc rendu un rapport incomplet.
Pour notre département c’est un camouflet ou une forme de déni climatique.
Je rappelle, que quand on s’est doté d’un Agenda 2030, on ne peut plus laisser nos prestataires, nous faire un bilan économique, sans parler de bilan carbone !
Voilà pour le bilan. Quelles sont les perspectives ? La solution de facilité serait de continuer à ce rythme-là. On reste dans des mesures de développement durable qui vont un peu freiner l’augmentation du réchauffement climatique et encore on ne sait pas car on n’a pas d’indicateurs complets. Servir du Bio va un peu freiner l’augmentation de l’extinction de la biodiversité. Avec cette nouvelle tarification on va freiner la diminution de la capacité des familles à pouvoir payer la cantine.
Mais on a beau freiner dans une pente, on va quand même dans le mur.
Car le prix des denrées va augmenter, et le département va rester dépendant des aléas sociaux de ses prestataires de moins en moins qualifiés. Et les objectifs d’atteindre la neutralité carbone ne seront jamais atteints. Je rappelle que les collèges, représentent à eux seuls 30% de l’empreinte carbone du Département.
Notre groupe n’a jamais approuvé le recours à des contrats de concession pour la gestion et l’exploitation des services de la restauration scolaire pour une bonne raison, l’alimentation est un levier extraordinaire pour éduquer et pour avoir un impact direct sur l’environnement. Aujourd’hui pour réduire individuellement son empreinte carbone, il est plus efficace de changer son alimentation que de rouler en vélo.
Dans tous les pays avec lesquels le Département a établi des partenariats, nous favorisons des agriculteurs locaux qui ont une démarche durable et pourtant nous n’arrivons pas à le faire chez nous en France.
Plutôt que d’acheter des immeubles de bureaux, qui ne sont plus rentables, le 92 devrait investir dans des terres agricoles en proche couronne, pour assurer son autonomie alimentaire pour fournir ses cantines, ses Epahd, pour recréer de nouveaux métiers, pour éduquer pour favoriser l’insertion des jeunes, pour éviter la pollution de la Seine, pour favoriser l’agriculture biologique.
Le Maire de Gennevilliers, ancien conseiller départemental l’a fait pour les écoles de sa commune. Cette dernière a fait l’acquisition d’une exploitation agricole de 25ha en Seine et Marne à des paysans qui partent à la retraite. C’est donc possible. Un grand nombre de terres en île de France sont actuellement préemptés par de gros céréaliers qui n’achètent ces terrains que pour les mettre en jachère et toucher les aides de la PAC. Il y a des opportunités pour changer les choses en commençant maintenant.
Le Département, s’il veut être ambitieux en matière d’environnement ne doit pas se contenter de freiner la destruction de notre écosystème et de notre modèle social, il doit être audacieux, tout changer, acheter des fermes agricoles, planter, expérimenter, se doter des meilleurs chefs cuisiniers de cantines pour former d’autres chefs cuisinier à choisir des aliments, les préparer et les servir en dépensant moins. Le département doit reprendre la main sur l’éducation à l’alimentation. Il doit reprendre la main sur la gestion de ses biodéchets et il doit reprendre la main sur les terres qui nous entourent pour les préserver, nous protéger et assurer son autonomie alimentaire.
Est-ce que c’est compliqué ? Oui ! La transition écologique c’est un changement de modèle. Est-ce que ça doit nous faire peur, non ! C’est parce que tout le monde vous dira que c’est impossible, qu’il faut le faire !
Je vous remercie.
Retrouvez l’ordre du jour et les votes du groupe Ecologistes & Socialistes pour cette séance ICI.