Programme départemental d’insertion 2024-2026

Intervention de Lounes Adjroud lors de la séance publique du Conseil départemental des Hauts-de-Seine du 20 décembre 2024.

Monsieur le Président, chers collègues, 

Nous commencions à penser que nous ne verrions pas ce PDI en 2024 – nous sommes donc heureux qu’il soit enfin inscrit à l’ordre du jour de cette dernière séance de l’année. Plus sérieusement, nous sommes conscients de la difficulté de construire ce type de document planificateur et stratégique face à des « grandes réformes », entre guillemets, gouvernementales qui font souvent office de coups politiques et d’effets d’annonce et dont les décrets sont, de notoriété publique, vagues et mal ficelés. Charge ensuite aux collectivités et aux institutions de trouver des solutions, tant bien que mal, pour les mettre en place. Nous apprécions donc les difficultés auxquelles nous faisons collectivement face à cause de l’inconséquence des 2, 3, 4 derniers gouvernements (nous en serons peut-être même à 5 ou 6 le temps que je finisse cette intervention !). 

Cela étant dit, et vous ne serez pas surpris, nous nous ABSTIENDRONS ce PDI 2024-2026, et ce pour 4 raisons.  

Tout d’abord, nous remarquons que ce Programme 2024-2026 n’est pas interdépartemental, comme le précédent. 

Contrairement à son prédécesseur, ce Programme 2024-2026 ne comporte pas de volet interdépartemental. Prévoit-on une mise à jour en collaboration avec le Conseil départemental des Yvelines ? Sinon, que devient l’agence Activit’Y, qui est censée piloter la politique interdépartementale 78/92 ? Si l’insertion est de nouveau entièrement de notre ressort, qu’apportera cette agence que nos propres services ne peuvent pas offrir ? On constate qu’en dépit d’une mise en page moins chargée, le PDI proposé aujourd’hui est de loin plus complet que le rapport d’activité de 2023 du GIP.  

Second point qui nous interpelle : le manque de recul de ce plan. 

Le précédent PDI n’avait pas de titre, celui-ci s’intitule : Fédérer les solutions au service de la reprise d’activité des bénéficiaires du RSA. Cela nous interroge. Car si la gestion du RSA constitue évidemment le cœur, statutairement, de la compétence départementale d’insertion, nous pensons qu’il faut envisager l’insertion avec un vrai recul pour pouvoir vraiment mettre en place une politique efficace dans ce domaine et prendre toute notre place de « pilote et chef de file » des politiques d’insertions sur notre territoire, comme le prévoyaient les différentes lois de décentralisation (2003 et 2004 en particulier). En effet, le RSA c’est la dernière étape, la fin des parcours classiques d’insertion. C’est la partie immergée de l’iceberg de l’insertion et nous pensons qu’un bon pilote ne peut pas considérer que la partie submergée n’est pas son problème et qu’elle peut être laissée aux bons soins de la CAF ou de France Travail.  

Le nombre de bénéficiaires du RSA dans notre département, vous le soulignez, baisse d’année en année, pour atteindre un peu près de 29 000 foyers aux derniers chiffres, soit un peu plus de 50 000 personnes couvertes. En comparaison, il y a actuellement 69 000 chômeurs de catégorie A, dont la majorité sont des jeunes employés qualifiés et cadres1. Et le chômage des jeunes est dans une dynamique de hausse ! Un phénomène qui touche en particulier les jeunes issus de catégories sociales moins favorisées et, a fortiori, sans réseaux – en effet, comme le démontre l’enquête annuelle de Sciences Po sur l’embauche des jeunes diplômés, je cite « Le stage et le réseau sont toujours les principaux tremplins vers l’emploi ».  Quelles sont nos propositions pour ces jeunes diplômés ? Quelles sont les solutions mises à leur disposition, mise à part quitter le département, voire la France, comme nombre de jeunes diplômés sont forcés de le faire chaque année ou bien doivent-ils attendre de finir au RSA pour être prises en charge ?  

Troisièmement, nous saluons la volonté d’accompagner les bénéficiaires du RSA et de les rendre acteurs de leur parcours, mais nous notons la persistance d’une certaine résistance à la mise en application de ce principe. 

Entre l’inscription AUTOMATIQUE à l’accompagnement global France Travail (qui concernera tout le foyer, conjoint inclus, qu’il ou elle le veuille ou non), signature d’un contrat de suivi d’insertion OBLIGATOIRE et des SANCTIONS si le bénéficiaire ne montre pas patte blanche à chaque étape, où exactement se situe la place d’acteur du bénéficiaire ? C’est exactement le type de méthode rigide, bien connue des chômeurs inscrits à France Travail, anciennement Pôle emploi, qui aura mené ces personnes à finir au RSA. Et ce n’est pas en apportant un accompagnement global en parallèle que cela résoudra le problème d’inadéquation de la méthode pour ce public très fragile et précaire.   

Investir dans le préventif plutôt que de ne miser que sur le curatif et le coercitif nous paraît être une meilleure approche. On sait, et le diagnostic territorial attaché à ce programme le confirme, que les personnes isolées (avec ou sans enfants) sont les plus à risque de décrochage professionnel, ainsi que les personnes malades ou atteintes de handicap. Encore une fois, pas vraiment le vivier espéré par ce rapport pour remplir nos métiers en tensions, métiers souvent pénibles physiquement et isolant.  

De meilleurs leviers existent. Par exemple, la mobilisation d’un accompagnement MDPH via la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, afin d’obtenir des aménagements de poste et de maintenir les personnes en emploi. Nous savons, à ce sujet, le travail entreprit par la MDPH et par sa directrice Mme Tran, et les résultats commencent à arriver. Nous espérons donc qu’en poursuivant les efforts entrepris, les délais de traitement des dossiers continueront à aller en diminuant.  

Pour finir, nous aimerions proposer un changement de cap pour la politique départementale d’insertion, vers plus de préventif, de qualitatif et de long terme.  

Sur ce dernier point, nous tenons à saluer quelques points de ce PDI : en particulier le focus sur l’accompagnement des familles monoparentales, un groupe sur-représenté parmi les bénéficiaires du RSA, ainsi que l’inclusion d’un bilan santé dans l’accompagnement global.  

Mais certains points sont absents et mériteraient d’être considérés. Par exemple, l’accompagnement vers un travail pérenne et à temps complet (si possible). En effet, la création de micro-entreprises n’est pas vraiment une solution adaptée à la sortie du RSA (d’ailleurs le PDI le reconnaît bien), et n’entraîne qu’une sortie des dispositifs (et des statistiques) mais pas de la précarité. Et pareil pour les temps partiels subis par les femmes.  

« Remettre les gens au travail », entre guillemets, ne peut être une fin en soi. Il faut une approche bien plus globale, qui inclut un travail sur la qualité des emplois accessibles aux personnes entamant un parcours d’insertion – et pour cela, il faut oser sortir de nos sillons et silos et interroger des experts en termes de protection des travailleurs, en particulier les syndicats, qui ont une certaine expérience et expertise en la matière, dont on se prive, ainsi que des représentants des bénéficiaires potentiels de nos dispositifs. Nous ne pouvons également pas oublier que tout le monde n’est pas en mesure de travailler, et que cette incapacité, temporaire ou perpétuelle, ne peut remettre en cause le droit à l’insertion de tout individu dans notre société. La participation pleine et entière d’une personne à notre vie collective peut passer par bien d’autres biais, citoyens, militants, bénévoles, solidaires et conviviaux. Les chiffres, les objectifs, nous aident à mesurer l’impact de nos politiques publiques, mais c’est la qualité des liens que nous aidons à tisser qui est le vrai marqueur de notre action. 

Mise en œuvre des actions de la convention départementale pour l’insertion et l’emploi – places en crèche

Comme je vous le disais à l’instant, nous sommes contre la réforme imposant les heures d’activité obligatoires, et nous pensons qu’une autre politique départementale de l’insertion est possible. C’est pourquoi nous nous sommes abstenus sur le PDI proposé. Mais nous sommes évidemment favorables à un partenariat renforcé entre tous les acteurs de l’insertion sur notre territoire et pour le subventionnement de modes de garde pour les familles monoparentales.  

Dans ce cadre, nous trouvons que réserver des places en crèches est une bonne chose. Malheureusement, cela ne règle pas le manque de place général en crèche, ni le manque de moyens humains. De plus, le territoire couvert par ces places est plutôt restreint car il ne concerne que 4 villes, dans le Nord et centre du département seulement – Clichy, Nanterre, Gennevilliers, Suresnes. Espérons donc que nous serons en mesure d’élargir ce dispositif à l’avenir et d’augmenter l’offre publique de place de crèches sur tout le territoire.  

Nous voterons POUR ce rapport.  

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