Débat d’orientation budgétaire 2023 : pour un budget vert et participatif

Intervention de Joaquim Timoteo lors de la séance plénière du 17 février 2023.

Monsieur le Président, chers collègues, 

Nous débattons ce matin des orientations budgétaires pour cette année 2023 donc des choix politiques de votre majorité dans la conduite de l’action départementale. Je ne ferai pas de commentaires détaillés sur les montants de financement qui sont cités dans le rapport ; je réserverai cette approche pour la présentation du budget primitif à la prochaine séance publique.  

Permettez-moi néanmoins quelques commentaires de portée plus générale. 

Affaiblissement des collectivités

D’abord pour dire notre inquiétude face au contexte économique et social qui touche toutes les collectivités : le constat est largement partagé que la crise sanitaire dans laquelle nous avons été et que la crise économique dans laquelle nous sommes encore, ont marqué le besoin d’un renforcement des services publics au plus près des habitants, permettant de garantir souvent le dernier filet de sécurité face aux imprévus de la vie. 

Les services publics de proximité ce sont les collectivités territoriales qui les portent en grande partie. Il est donc pour le moins paradoxal de voir comment le gouvernement s’applique consciencieusement à réduire leur capacité d’action en détricotant pas à pas leur politique fiscale.  

En effet, après la loi de finances de 2022, qui avait supprimé la taxe sur le foncier bâti, c’est au tour de la CVAE cette année, avec sa suppression inscrite dans la loi de finances de 2023. Les Départements perdent donc une nouvelle fois une recette (certes compensée par une partie de reversement de TVA). 

Pour les Départements, c’est la perte du dernier lien fiscal avec leur territoire et avec son dynamisme économique, auquel pourtant les collectivités contribuent. Ainsi avec la suppression totale de ces recettes fiscales, le Département ne vivra plus que de produits provenant d’impôts nationaux ou de dotations dont on contrôle assez peu le montant et l’évolution. C’est au final un constat assez amer car après avoir fêté il y a peu le 40ème anniversaire des 1ères lois de décentralisation (instaurées en 1982 par un gouvernement socialiste), on aurait aimé d’autres symboles et surtout d’autres actes que cette recentralisation des finances locales. 

J’en viens maintenant à l’action publique à proprement dite avec les 3 grandes priorités générales que vous identifiez  

3 grands axes de déploiement de l’action publique : la solidarité, l’attractivité de notre territoire et son développement durable

Je ferai tout de suite une remarque liminaire sur cette entrée en matière. Autant sur les 2 premiers axes, on a une lecture assez claire des propositions qui sont faites même si elles nous semblent incomplètes, autant sur la dernière priorité affichée, qui est celle autour du « développement durable », on n’a dans ce rapport aucun élément significatif affiché (au-delà de la gestion du patrimoine environnemental). D’ailleurs à la lecture du rapport le terme lui-même n’apparaît qu’à 2 ou 3 reprises dans le texte (dans le titre du chapitre et en référence dans les contrats de ville). Tout cela reste donc quand même très incantatoire. 

Si l’on en vient maintenant aux autres priorités.

Sur la 1ère que vous mettez en avant autour des solidarités, on note que le budget de fonctionnement dédié à l’action sociale devrait augmenter d’à peine 20M€ (juste l’équivalent de la revalorisation salariale des agents issue du Ségur de la Santé ou de la revalorisation des travailleurs du social, médico-social ou sanitaire).  

Le budget de fonctionnement de l’action sociale s’élèverait donc à 969M€, soit moins de la moitié (48,7%) du budget global de fonctionnement qui est estimé à 1,99Md€. Comme notre groupe l’a déjà dit, alors que le social est la 1ère des compétences obligatoires, la compétence-phare du Département, avoir moins de la moitié du budget qui y soit consacrée ce n’est pas normal. Et même si on y rajoute les dépenses d’investissement qui seront faites dans le courant de l’année, cela ne fait pas bouger beaucoup le curseur ! 

Les différents parcours fléchés.

Sur Le parcours « Petite enfance »,il n’est pas possible de flécher à la baisse le Dispositif BebeDOM alors même qu’on l’avait valorisé au début de cette mandature. Le motif de la baisse des naissances ne suffit pas à motiver ce choix et on ferait mieux d’informer les familles de l’existence de cette aide plutôt que d’en diminuer la ligne budgétaire. 

Sur le parcours « protection de l’enfance », on ne cesse de le dire, il faut que l’on sorte les jeunes des hôtels. Des efforts ont été faits en ce sens, nous le reconnaissons bien volontiers mais il faut accélérer le mouvement car à compter du 1er février de l’année prochaine, l’hébergement à l’hôtel sera totalement interdit par la loi. À cette date, la prise en charge d’un mineur ou d’un jeune majeur de moins de 21 ans au titre de l’ASE ne pourra être assurée, sauf pour les vacances scolaires et les congés, que par les assistants familiaux ou dans des établissements et services autorisés, notamment les établissements publics départementaux de l’ASE. 

Toujours sur ce volet de l’ASE, nous nous étonnons de ne voir aucun fléchage budgétaire pour l’accompagnement spécifique des jeunes majeurs de moins de 21 ans devenu maintenant obligatoire depuis la loi du 7 février 2002.  

Sur le parcours « Bénéficiaires du RSA », nous le répétons encore : il faut  faire un effort substantiel pour l’accompagnement socioprofessionnels des bénéficiaires. Pour bâtir une politique d’insertion effective et de longue durée, il faut s’en donner les moyens et il faudrait idéalement y consacrer environ l’équivalent de 10% du montant global des allocations versées. On devrait donc être plus des 20M€ que des 7 ou des 12 M€ actuels (on en comprend pas très bien quel est le montant exact). 

Dans la période actuelle de grande précarisation d’une partie de la population, il faut faire un effort sur ce sujet. Et ce d’autant plus qu’il faut aussi s’attendre à devoir accompagner bien plus de bénéficiaires à cause de la réforme de l’indemnisation du chômage qui commence à être effective et qui enverra vers le RSA des chômeurs non indemnisés plus nombreux. 

Sur le parcours « Seniors », nous continuons de penser qu’il faut pour notre Département une offre publique d’établissement plus étoffée. Le soutien à l’investissement des EHPADpour rénover le parc actuel peut participer de cette offre augmentée que la population réclame quand des nouvelles places peuvent être créées mais cela ne peut suffire. 

Il faudrait penser à faire sortir de terre quelques nouveaux EHPAD publics. On pourrait tout à faire prendre exemple sur l’expérience du Département de l’Essonne en la matière avec son Service public essonnien du grand âge (SEGA) créé en son temps par Jérôme Guedj et qui est aujourd’hui largement reconnu.  

De manière connexe et parallèle à cette question du vieillissement, il y aurait sans doute à réfléchir aussi sur les questions de santé ; le sujet de l’attractivité des professions sanitaires et sociales en est un aspect mais on pourrait également voir comment dans les contrats de développement-Ville, le Département pourrait aussi apporter un soutien ciblé à la lutte contre la désertification médicale qui touche aussi quelques-uns de nos territoires, en soutenant par exemple la création de maison médicale. 

Enfin pour terminer sur ces parcours un dernier mot sur la Jeunesse. Alors que le Département vient créer une direction de la Jeunesse , nous nous attendions à ce qu’une partie des choix politiques s’ancrent sur ce champ. On reste à ce stade sur notre faim… Bien sûr il y a le Pass+ et les services qui lui sont associés que nous saluons (notamment le don d’ordinateurs ou le remboursement de la carte imagineR pour les boursiers). 

Pour l’accompagnement de ces mêmes collégiens, il y a encore sur le champ scolaire les dotations de fonctionnement pour les collèges publics et privés qui, elles, mériteraient également d’être revues dans leur calcul à l’aune de la résorption des inégalités sociales et territoriales. Et on devrait sans doute ne pas s’interdire de regarder pour cela les indices de position sociale que le ministère de l’éducation nationale a enfin fait paraître et qui donne à voir le niveau variable de mixité sociale dans les établissements. 

Mais sur la jeunesse et pour les jeunes, surtout après ce qu’ils ont vécu pendant la pandémie, il faut une ambition plus grande. Travailler à leur donner un accès plus facile au logement. Où sont les mesures sur ce point, où sont les aides au logement étudiants : à peine 3M€ pour les foyers de jeunes travailleurs, c’est trop peu ! 

Où sont les mesures pour le développement de l’engagement et de la citoyenneté ?  

Où sont les mesures de lutte contre la précarité alimentaire et la précarité économique ? 

Pour terminer je voudrai évoquer un point de méthode.  

Nos propositions.

Je regrette que nous ne nous donnions pas les moyens d’innover et de moderniser un peu la manière de porter certains  projets comme les villes peuvent par exemple aujourd’hui déjà le faire. Je pense ici particulièrement à 2 dispositions qui seraient de nature à apporter un peu d’attractivité et de visibilité sur le champ du développement durable.  

Tout d’abord je pense à la démarche que constitue les budgets participatifs, qui contribue à une citoyenneté active à plusieurs niveaux. Et qu’il serait utile d’instaurer dans département comme beaucoup d’autres l’ont déjà fait. 

Voilà qui serait un moyen d’innover, d’expérimenter et de faire participer les Altoséquanais et altoséquanaises à la vie du département. Vous voyez, nous ne demandons pas toujours plus de dépenses mais vous invitons à penser à une autre manière de porter aussi des projets avec les habitantes et les habitants de notre département. Et à les associer plus directement à l’action départementale. 

Toute dernière remarque, qui sera explicités sous la forme d’un vœu. Puisque vous avez fixé comme priorité le développement durable et bien faisons en sorte d’engager notre Département dans l’élaboration d’un budget vert qui nous permette d’identifier les dépenses budgétaires favorables et défavorables à l’environnement. Voilà une manière objective de traduire l’engagement environnemental concret de notre collectivité. 

Peut-être que la prochaine présentation du budget primitif 2023 pourra s’inscrire sur cette voie ? en tout cas, notre groupe l’espère ! 

Je vous remercie  

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