Concession restauration et nettoyages collèges publics.

Intervention de Lounes Adjroud en séance publique du Conseil Départemental du 8 avril 2022.

La gestion des collèges est une des compétences phares du département.  

Nous veillons au bien-être et à la réussite scolaire de près de 57 000 collégiens scolarisés dans 88 collèges publics auxquels sont servis quelques 27 000 repas par jour. Des dizaines d’agents du département veillent à ce que nos collégiens soient pris en charge dans les meilleures conditions, en leur servant des repas de bonne qualité, et en mettant à leur disposition des locaux propres et bien entretenus. 

Ces personnels de nettoyage et de restauration font partie intégrante des équipes éducatives : leur transfert vers des délégataires privés, même négocié, entraîne de fait une déqualification de leurs missions et remet en cause leur place au sein de la stratégie éducative des collèges. Ce ne sont pas seulement des tâches, que certains considèrent à tort comme subsidiaires ou peu importantes, que vous nous proposez de déléguer, mais le savoir-faire et la place au sein de notre collectivité de personnels motivés et partie prenante de notre volonté d’offrir à nos collégiens les meilleures conditions de scolarité possibles.  

La fragilisation de ces quelques 156 agents qui seront transférés à ces deux délégataires privés est aussi un point inquiétant de cette délibération : malgré les négociations et garanties mises en avant, ceux-ci seront dépendants d’une entreprise privée sur laquelle le département n’aura que peu, ou même pas du tout, de visibilité ou de contrôle. Il est déjà préoccupant de voir que près de la moitié de ces agents sont contractuels – désire-t-on vraiment les précariser encore plus en les transférant dans le privé, où ils seront dans une position d’autant plus vulnérable ? 

Les justifications avancées pour motiver cette privatisation massive de points clés de notre service public départemental – car c’est bien ce que l’on nous demande, la privatisation entière et complète des services de restauration et de nettoyage de l’intégralité de nos collèges – sont-elles basées sur un retour d’expérience uniquement comptable et organisationnel, comme le suggère le rapport annexé à la présente délibération ? La mutualisation est-elle une fin en soi et ne peut-elle que passer par la privatisation ?  Et quid de la qualité des repas servis à nos collégiens ? Les retours des collèges-tests, sous contrat Elior depuis 2018, ne font pas état du même enthousiasme. L’impact, observé ici et ailleurs, sur la qualité des repas et du nettoyage sera malheureusement prévisible. 

  • Ce qui nous amène au problème de la dilution du niveau de responsabilité : comment seront gérées les remontées de terrain, les problèmes rencontrés ? Qui sera l’interlocuteur et le département sera-t-il exclu de ces process, et si oui, cela ne représente-t-il pas un abandon de ses compétences et de ses responsabilités ? Vers qui les équipes pédagogiques et les parents d’élèves pourront-ils se tourner ?  
  • La complexification des relations entre établissements, département et parents d’élèves qui résultera de l’introduction de ce nouvel acteur indépendant et privé n’est pas à prendre à la légère. Dans un contexte de dématérialisation à marche forcée de nombreux services publics, ne nous éloignons pas encore plus des familles les plus précaires, de celles et ceux en situation d’exclusion numérique, ainsi que de nos propres agents et des équipes éducatives que nous sommes censés soutenir et accompagner ? 

L’amélioration du service, la meilleure organisation et le contrôle qualité sont possibles au sein du service public – alors pourquoi déléguer ce service essentiel à des opérateurs privés dont la logique comptable prévaudra, in fine, toujours ? Et même sur cet aspect, les énormes, et presque indécents, bénéfices dégagés par Sodexo l’année passée, plus de 337 M d’euros, ne l’ont pas empêché de voir sa cotation en bourse plonger de près de 7% – car ces prestataires sont fragiles et vulnérables aux crises tant sanitaires, qu’économiques ! Qu’il s’agisse d’une pandémie ou d’une hausse du coût des matières premières, comme il s’en profile en conséquence de la guerre en Ukraine par exemple, nous mettons nos compétences départementales à la merci de fluctuations sur lesquelles nous n’aurons aucun contrôle : comment assurer un service et des repas de qualité constante quand Sodexo ou Elior traverserons des périodes difficiles et devront faire des économies ? Et quid des agents contractuels que nous transférerons et qui se retrouveront vulnérables face à d’éventuels plans de restructuration ? Au travers de cette privatisation d’un pilier fondamental de notre action départementale, nous nous rendons donc dépendants de la bonne santé financière de nos prestataires. 

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