Collèges – Dotations prévisionnelles de fonctionnement – 2026
Intervention de Najib Benarafa lors de la séance publique du Conseil départemental des Hauts-de-Seine du 17 octobre 2025.
Plusieurs éléments ressortent de ce rapport : tout d’abord la baisse globale du budget de fonctionnement des collèges d’environ 1,2M€, l’augmentation du nombre de collèges qui ont subi un écrêtement cette année et la baisse démographique : près de 600 collégiens en moins dans notre département.
Je ne ferai pas de faux procès au Département qui a, depuis le début du mandat, mis un point d’honneur à investir dans des dispositifs pédagogiques de soutien, mais aussi dans le bâti des collèges que ce soit pour des cuisines sur place ou pour le programme de végétalisation îlots verts, même si le rythme des aménagements a été ralenti à cause de difficultés financières propres à tous les Départements.
D’où vient cette tendance à la hausse des fonds de roulement des collèges ?
Cependant l’écrêtement des collèges, même si c’est un phénomène récurrent, dans le département, a atteint son paroxysme cette année avec au moins 30 collèges écrêté sur 100 avec un montant cumulé de plus de 500 000 € écrêté.
Le principe de l’écrêtement est entendu par tous, un établissement ne doit pas thésauriser de l’argent public, il doit le dépenser ou le rendre.
Il convient donc de s’interroger d’abord sur l’origine de cet écrêtement qui a touché 1/3 des collèges.
Après enquête auprès des collèges de ma commune, plusieurs facteurs sont en jeu mais l’élément déclencheur principal a été le changement du logiciel Comptable Opale en septembre en plein milieu de l’année civile comptable.
Certains gestionnaires pourtant expérimentés ont dû faire face à des problèmes d’opération, des pannes et à une prise en main très difficile. Car il a fallu transférer, en plus manuellement chaque opération d’un logiciel à l’autre. S’il fallait en plus intégrer des voyages scolaires avec des sources de financement multiples et échelonnés la gestion relevait de l’exploit. Beaucoup de dépenses ont donc été différées. Certaines commandes sont restées en attente, des factures ont été payées en retard car, sur Opale, un simple prélèvement sur le fond de réserve devenait impossible. Bref les gestionnaires ont frisé le burn-out pour certains, le compte financier d’un collège n’a pu être réalisé dans les temps, alors que ce n’était jamais arrivé à ces agents comptables chevronnés.
La course en avant de la numérisation, de la mise à jour des logiciels, de la lutte contre les cyberattaques, de la fracture numérique qui ne finit jamais, pose question. Surtout quand on sait que les systèmes d’exploitation informatiques nous rendent dépendants, nous obligent économiquement, et finissent par nous rendre plus vulnérables.
Je crois qu’il serait sage pour le département de toujours garder un logiciel de secours pour limiter cette dépendance. Dans la nature, les écosystèmes qui durent, sont ceux qui sont diversifiés et ont des systèmes de secours.
Le budget de fonctionnement de chaque collège est-il suffisant ?
Si l’on en croit les sommes qui ne sont pas utilisés par les collèges, on serait tenté de dire oui. Pourtant les syndicats d’enseignants et les associations de parents d’élèves ne le ressentent pas ainsi ce qui est paradoxal car il y a de grosses sommes allouées par le département qui ne sont pas utilisées par les collèges.
Est-ce que ce sont les enseignants qui ne proposent pas assez de projets pédagogiques ? Pas vraiment. Les enseignants français font partie des moins bien payés des pays de l’OCDE, ce sont eux qui ont le plus d’élèves par classe et ceux dont le travail est le moins reconnu, pourtant il y en a toujours, dans chaque collège, qui restent créatifs enthousiastes et ambitieux culturellement. On le voit dans tous les évènements scolaires organisés par le département.
Le blocage vient peut-être alors du gestionnaire et du principal qui sont parfois contraints de faire des choix pour limiter les dépenses ?
Et là aussi on ne peut pas faire de généralités car chaque collège a un contexte et une architecture et un public qui lui est propre.
Ce qui est certain en revanche c’est que les gestionnaires doivent faire face à une instabilité grandissante.
Instabilité apportée par un nouveau logiciel comptable, on en a parlé. Instabilité apportée par l’éducation nationale qui retire des budgets comme le Pass Culture et qui semble se désengager toujours un peu plus pour faire des économies. Instabilité apportée par la Région qui modifie ses titres de transport sans tenir compte des sorties des élèves qui ont encore des tickets cartons et doivent racheter des Pass Navigo Easy à recharger pour chaque élève. Instabilité économique enfin qui touche des familles de plus en plus nombreuses sous le seuil de pauvreté.
La situation à Colombes
Imaginez qu’à Colombes, dans le collège dont l’IPS est le plus élevé, il y a des familles qui ne peuvent même pas payer la cantine, même au tarif subventionné le plus bas c’est-à-dire environ 60 centimes le repas.
Heureusement le fond de solidarité est là pour pallier à cela. Ces sont ces mêmes familles toujours plus nombreuses, qui ne pourront pas participer aux frais de voyages scolaires pour leur enfant qui n’a pourtant jamais voyagé. Mais l’argent du budget de fonctionnement ne peut pas pallier à cela.
Un budget quand on est gestionnaire d’un collège REP comme la moitié des collèges de Colombes, c’est parfois compliqué car l’IPS de nombreuses famille est faible. Les populations du collège REP JBC à Colombes ont été les grandes bénéficiaires de la nouvelle tarification mais pour les populations très pauvres on n’a pas de visibilité puisque c’est désormais le prestataire qui gère les créances et peut-être qu’il contacte les parents mauvais payeurs pour que les enfants ne mangent pas à la cantine.
Dans le collège REP Moulin Joly juste à côté, dont la gestion est plus autonome car partagé avec le Lycée Maupassant, certaines familles n’ont plus les moyens de payer la cantine et les créances pour non-paiement des repas peuvent parfois atteindre 50 000€ soit 3 fois le fond de roulement. Forcément un gestionnaire qui sait que des parents ne sont pas solvables et qu’un recours juridique va lui coûter encore plus cher sans aucun retour financier hésite à trop puiser dans le fond de réserve. Et à côté de cela il n’est pas question d’empêcher des enfants, qui n’y sont pour rien, de déjeuner.
Le budget ne tient pas compte de ce genre de situation. Certains collèges REP me disent donc qu’ils ont budget suffisant, surtout depuis qu’il est majoré avec les IPS bas. Mais pour d’autres comme le collège REP Moulin Joly qui avait un compte financier déficitaire de 25 000€ cette année et a puisé dans son fond de réserve pour être positif, ses effectifs ont augmenté pourtant le budget de fonctionnement de ce collège a légèrement baissé.
Voilà la nouvelle réalité d’un gestionnaire. A côté de cela, pédagogiquement, il faut payer de nouvelles lignes d’eau pour la piscine, il faut payer la sonorisation des salles, acheter des casques pour les labos de langue, les sorties, les voyages.
Et surtout, il faut entretenir les bâtiments, entretenir les espaces verts, les prairies des îlots verts par des jardiniers compétents pour ne pas gâcher tout ce qui a été planté. L’hygiène doit être impeccable, la sécurisation aussi, il faut récurer les canalisations des eaux d’assainissement régulièrement. Un bon gestionnaire doit beaucoup dépenser pour maintenir un cadre de vie impeccable dans un collège, et c’est le cas à Moulin Joly, ce qui est bien car à long terme, ce sont des frais en moins pour le Département.
On a parlé du logiciel Opale, mais si on veut travailler dessus il faut un grand écran pour les gestionnaires, à la région ils en ont tous reçu un, pour les collèges en revanche, il faudra puiser dans le budget pour en profiter.
Faire face au désengagement de l’Etat
Vous avez majoré l’an dernier le forfait des collèges REP et REP+ comme nous l’avions souhaité, et je vous en remercie mais le contexte de désengagement de l’Etat qui se traduit par des renoncements sur le Pass culture, qui se traduit par une baisse des subventions pour renouveler les manuels scolaires, qui se traduit par un abaissement du seuil pour devenir un élève boursier alors que l’inflation augmente et que certaines familles sont proches du dénuement, ont creusé des disparités fortes dans l’éducation des enfants.
Le rôle du Département est-il de pallier aux défaillance de l’Etat ? Vous allez me dire que non. Mais est ce qu’il y a vraiment encore un Etat ? Un Etat garant de l’égalité des chances ?
La réponse est non, mais comment le Département pourrait agir encore plus qu’il ne le fait déjà ?
2 choses pourraient peut-être soulager les gestionnaires et les équipes pédagogiques.
- Prévoir un plan pluriannuel de rénovation de chaque collège pour que l’entretien de ces derniers perdurent le plus longtemps sans que cela ne dépende d’un gestionnaire vertueux qui a la compétence de la connaissance du bâti en plus de ses compétences comptables.
- Prendre le temps de dialoguer avec les gestionnaires pour identifier les spécificités de chaque établissement, prévoir les fluctuations annuelles et les associer à la constitution du budget.
Retrouvez le compte rendu complet de la séance plénière du 17 octobre 2025 ICI.